Combien d’entre vous, dans un accès de fièvre bleue, se sont plongés à corps perdu dans les ondulations lubriques du genre pour s’en abreuver jusqu’à plus soif ? Je parierais qu’ils sont nombreux. Comme bien des genres, la Deep House est l’antre de productions d’un raffinement peu commun, de même qu’une intarissable source d’arnaques plus ou moins juteuses, œuvres de producteurs aux phalanges arthritiques à force de s’astiquer sur des salves de ctrl+c / ctrl+v sur une version craquée d’Ableton.
Et oui, qu’on le veuille ou non, la Deep House c’est aussi le temple des durs de la gâchette, des pros de l’onanisme façon Carradine, de ceux qui ont fait de la stérilité une discipline, du Less is more un mode de vie et par la même occasion, de la connerie un étendard. C’est ainsi que, comme bien des jouisseurs ordinaires avant moi, des années durant, je me suis gavé jusqu’à l’aluette de sorties du genre, repu jusqu’à la nausée de circularités convenues et paresseuses. Malgré le dégoût que j’éprouve pour la plupart des prods récentes en la matière, il arrive qu’au détour d’un album, la magie opère encore, comme ce fut le cas avec la troisième sortie du label de Seattle, Jungle Gym Records.
La toute jeune écurie américaine officie dans un registre House \ Deep House \ Lo Fi. Les sorties, généralement sur cassettes (damn…), sont peu nombreuses mais font toujours l’objet d’une attention particulières, à l’instar de la sortie de Willrijk, illustre inconnu au sujet duquel notre seule certitude est qu’il s’agit là de sa première sortie. Une première sortie qui ressemble à peu près à tout sauf à une première sortie. La Deep House de Willrijk est un trouble mélange de nappes Ambient, traverses longilignes et inflexions langoureuses, de drums kits d’un minimalisme famélique et de basslines de marksman – cf. Merci Agathe, introduction de la release.
Willrijk décrit en 5 brèves une écrasante nuit d’août passée sous le tropique du Cancer en suspension dans un bain amniotique, à savourer les joies premières de l’isolement sensoriel – cf. Always Coming Back, Ambient House placentaire. Les écrins texturaux qui enveloppent chacune des tracks du mini album lui confèrent une chaleur singulière, léthargique, voire carrément lascive – cf. la tuerie Untitled, Deep House en nage, trempée de soupirs. Ces textures, au même titre que la saturation des basslines, créent ici l’illusion du mouvement, donnent aux tracks cet incroyable toucher canson, maculent l’ensemble de ravissantes irrégularités de telle sorte qu’on serait tenté de parler de Deep House impressionniste.
Finalement, qu’importe l’étiquette, le jeune producteur livre ici une première sortie prometteuse aux productions patientes, léchées et cohérentes. Certains pourront malgré tout reprocher à la cassette sa (trop) grande homogénéité ; Ils n’auront pas tout à fait tort. Reste que la critique semble finalement bien dérisoire pour ceux qui, comme moi, renoueront l’espace d’une brève escapade aoutienne avec les glycines et la cyprine de leurs premiers amours.
NB : la cassette est accompagnée d’un CD de remixes sur lequel on aura plaisir à retrouver quelques petits prodiges de la House tendance Lo Fi (D.Tiffany, Bessiekat, Tlim Shug ou encore TRP).