A défaut de Techno de qualité, 2015 tient ses promesses côté sorties House. Fins observateurs que vous êtes, le phénomène ne vous aura certainement pas échappé ; le genre bourgeonne de mille nouveaux visages. Le raz de marée est en marche, guidé par des producteurs et riders de Roland rassemblés autour d’un fétichisme partagé pour les claviers et machines analogiques. Les instigateurs de ce joyeux bordel, vous les connaissez bien. Ils ne sont autres que les incontournables Lobster Theremin, L.I.E.S., Future Times, Going Good, Pinkman et autres Farbwechsel – pour ne citer qu’eux. Formations qu’on ne présente plus qui ont entrainé dans leur sillon une flopée de petits labels plus ou moins DYI, plus ou moins confidentiels, pour qui l’amour de la House et de la Techno analogique se doit d’être vécu à fond, quitte à ne sortir que des foutues cassettes quand on n’a pas une thune pour presser ses plaques.
Au beau milieu de cette foule compacte, parfois confuse, sévissent quelques factions helléniques. On pense bien évidemment aux snipers de chez Nous mais aussi aux fins limiers de chez Echovolt Records. Plus discrets mais tout aussi capables de sortir d’excellents albums, le label d’Athènes nous a récemment régalé de quelques pépites notamment avec le Smete EP de Miltiades ou encore le bien nommé Black Orchid EP de Crystal Maze. Pour sa dernière sortie vinyle, le label en question a convoqué un illustre inconnu répondant au nom de Tlim Shug. Bon, vous connaissez le topo, pas la peine d’épiloguer, nous ne connaissons rien du producteur en question si ce n’est que Surf Dude EP est sa première sortie et que sortir quelque chose de cet acabit pour une première fois n’est pas à la portée de tous. En effet, Tlim Shug fait partie de cette poignée de producteurs dont on ne connaît rien mais dont on sait immédiatement qu’ils sont capables de fracasser la concurrence à tout instant.
Pour en avoir le cœur net, il vous suffira de suivre le producteur au grenier pour feuilleter cahiers craquelés, clichés argentiques jaunis et souvenirs sertis de poussière, humer avec lui naphtaline et nostalgie estivale jusqu’à l’embolie. Imaginez un peu la superposition de basslines larges comme le Texas et de synths nimbés d’overdrive dont les tressaillements évoquent certains gimmicks Ambient lo fi de bon aloi – cf. Conga Jam ou encore la House hantée de Sector B. On est déjà en bonne voie mais là où le producteur finit de nous convaincre, c’est lorsqu’il s’agit de démontrer son sens de la rythmique. Tlim Shug aligne des drums d’assassin dans des lignes faites de kicks ouatés, déferlantes de claps et hats hyper véloces dont la syncope, toujours précise, évoque les grandes heures de la Garage House – cf. la House californienne de Surf Dude. Comme si ça ne suffisait pas, le producteur, roublard comme pas deux, trouve encore le moyen de tromper l’ennui en jouant sur des enchainements stylistiques fêlés, passant par exemple de l’immense Untitled, 2-stepper fumant à la Dub House ultra texturée de Doorwaves à l’Ambient House vocalisée de Sector B… Autant de skills et de style à la mesure, c’en est presque indécent.
Tlim Shug, shaper de matériaux poussiéreux hors pair, pousse la classe rétro à son paroxysme, Surf Dude EP est une release venue d’ailleurs, un truc qu’on attendait depuis longtemps sans vraiment y croire, ne sachant plus trop où donner de la tête au beau milieu du torrent d’admirateurs pas vraiment émancipés de leurs idoles, de lookalikes presque convaincants et de plagiaires effrénés. La House analogique basse déf’ a beau brasser plus d’impostures que de saphirs, le simple fait de savoir qu’au beau milieu de ces remous se cache ce genre de secret spots de rêve suffit à justifier notre éternelle quête du tube parfait. Messieurs, dames, à vos longboards.