Après la sortie en Mars du fracassant Cut The Weight sur D/N, sous-branche du légendaire label de Birmingham Downwards, le duo Talker revient avec un mini LP. Bien que son nom ne jouisse encore que d’une résonnance relative, le duo de Chicago abrite en son sein deux producteurs dont on ne peut pas dire qu’ils en soient à leurs premiers faits d’armes. Le premier, Johnathan Krohn, autrement connu sous son moniker Stave, sortait en Août 2013 Reform, récital Ambient / Indus Techno brillant, leste, terrifiant de lucidité. Le second, Karl Meier, n’est autre que la moitié de l’entité Kalon – aux côtés de Karl O’Connor – à l’origine du EP Born-Against sur Sandwell District. En d’autres termes, Talker est un pur trust Techno, un truc à filer des sueurs froides à l’autorité de la concurrence. Vous pouvez vous mettre à l’aise, vous êtes à la maison.
Question qualité, ce mini LP s’inscrit dans la lignée de ce qu’a pu sortir le label récemment, qu’il s’agisse des magistraux EPs du duo OAKE ou des calligraphies au cierge noir de la compilation Halha – dont on vous parlait ici. Il y a toutefois dans cet album, dans ses tracés paysagistes et hurlements ravalés quelque chose de troublant, quelque chose de sensiblement nouveau ou tout au moins de sensiblement différent. Mais nous y reviendrons plus en détails par la suite.
Question quantité, le LP n’est composé que de 8 tracks dont la longueur ne dépasse que rarement les 5 minutes ce qui pour un LP Techno s’avère rare. Pour autant, soyez rassuré(e)s, l’album ne souffre aucunement de sa brièveté. Bien au contraire, la concision de l’objet lui permet d’éviter bien des écueils – l’aspect indigeste et bien souvent rébarbatif des longs formats du genre en particulier. La longueur est ici remplacée par la diversité, exercice auquel le duo se livre avec une fougue et une justesse infaillible. Le déroulement de l’album est une lente contorsion spinale trouvant son équilibre dans l’interstice séparant la rudesse des portraits les plus industriels de la fresque, criblée de mille éclats d’obus et la splendeur des locutions Ambient déployant leur prose post romantique marbrée de cendres.
Ne mâchons pas nos mots, ce qu’il se passe durant ces quelques 30 minutes d’entrelacs tient de l’excellence, non pas uniquement de l’excellence Techno restrictive et si négligemment accolée aux actuelles fumisteries électroniques qui n’ont rien d’un « futurist statement » mais qui sont produites dans l’unique but de faire s’ébrouer gauchement des hordes de cancrelats subitement frappés de photophobie sur des dancefloors transformés en lab tests collectifs. Non, l’œuvre que propose ici le duo tient de l’excellence électronique au sens large. Chers slashers compulsifs et sceptiques de la première heure, rangez vos opinels émoussés, rien à ébavurer aux environs.
Permettez-moi enfin d’étayer un peu ma démonstration en citant quelques exemples. Tout d’abord Hari, track Ambient Techno ternaire low pitchée à l’écoute de laquelle on peut humer l’iode plombée d’une mer d’huile, nue et stoïque sous les nuées ardentes. Behemoth, encore, parfait trompe l’œil, s’ouvre au souffle d’un kick puissant pour mieux s’en émanciper par la suite, laissant s’écouler les flots d’une aube blanchâtre sous les yeux cernés du pont Charles. Pour ce qui est des partitions Industrielles, citons bien évidemment Meniscus, track mid tempo à laquelle notre cher ami Kerridge – chroniqué ici – vient aposer sa griffe pour une mission expéditive où le Noise du britannique semble offrir une tribune de choix au Drone sépulcral des Chicagoans. Citons également le très bref mais très efficace hommage au maitre Surgeon sur la track Anthony. Bref, nous pourrions disserter ainsi longtemps tant chacune des pièces de l’album – que l’on imagine sélectionnées avec le plus grand soin – témoigne d’un travail d’orfèvre.
Vous l’aurez compris, ce Mini LP fait partie de ces surprises de fin d’année qui se pointent avec les premières gelées mais dont la durée de vie est bien supérieure à celle de leur éphémère messager. Un vinyle blanc qui tombe à point nommé pour panser les morsures du froid et occuper vos longues veillées hivernales, un must have du genre en somme.