Fin mai, le français Somaticae dynamitait le WIP en ouverture de la performance de Vatican Shadow (dans le cadre de la Villette Sonique), en réussissant, en moins d’une heure, à mettre tout le monde à terre via une noise-techno brutale et tendue. Les oreilles ont saigné face à cette anarchie contrôlée, cet amas de brutalité frontale. Et Somaticae de sourire en voyant le public se liquéfier devant ses yeux.
Parce qu’en France on sait aussi faire de la techno avec les couilles, Somaticae vient démontrer que la violence est une affaire de perception. Membre du collectif/label In Paradisum, oeuvrant depuis 2 ans à la mise en avant des sonorités les plus sombres des territoires électroniques, le grenoblois sort son troisième album, Catharsis. Depuis qu’il a rejoint la maison parisienne, gravitant notamment autour de Mondkopf (mais on pourrait aussi évoquer Low Jack et Saåad), sa carrière a pris du volume. L’an dernier, son Dressed Like A Bubblegum et son remix du Ease Your Pain de Mondkopf avaient commencé à affoler la plèbe. Faut dire que la techno du bonhomme est loin d’être une partie de plaisir. On serre les dents et courbe l’échine devant tant d’insoumission.
Le passage au long format est une autre histoire puisque s’éloignant des velléités techno pur et dur pour aller flirter droitement du côté de l’indus et de la noise. Catharsis est un album court et c’est tant mieux étant donné la somme de débris qu’il accumule tout du long pour mieux nous les recracher à la gueule. Il n’est question ici que de rapport physique au son et à sa propagation. Le lavage de cerveau est radical et exclu toute échappatoire. Le tour de force étant de réussir à violenter l’auditeur en bridant la rythmique pour mieux se focaliser sur les souillures sonores.
Saluons principalement le mixage du disque, lui conférant une densité impressionnante et indispensable. On ne peut apprécier ce genre d’expérience qu’en poussant le volume au-delà du respectable afin de mieux vivre les éclaboussures métalliques, les appels d’airs, les cris d’outre-tombe, les fuites de mercure et le beat martial. On pense à Perc ou Forward Strategy Group, à toute cette scène UK qui n’en finit plus de nous étouffer par la seule force de sa radicalité monochromatique. De la conquérante marche militaire de The Leviathan à l’énergie métal dévastatrice d’Abrupt IV, en passant par le caverneux et renversant Pointless, on se fait malmener à ne plus savoir où se foutre.
Et tant pis si Catharsis souffre d’un morcellement trop appuyé, tant pis si certains titres paraissent anecdotiques, puisque finalement, vous ne retiendrez qu’une chose : la torture mentale. Voilà un gars à suivre de près, quitte à ce qu’il vous fasse bouffer du gravier, puisque de toute façon, vous en redemanderez.