Tous deux issus individuellement d’un duo légendaire, Josh Eustis (Telefon Tel Aviv) et Turk Dietrich (Belong) forment Second Woman, projet avec lequel ils avaient grandement fait parler d’eux l’année dernière en publiant un premier album éponyme presque unanimement salué par la critique. Fort de ce succès et moins d’un an plus tard, ils poursuivent avec le lapidairement nommé S/W leur aventure discographique chez Spectrum Spools, label résurgent des Editions Mego à qui on devait déjà l’excellent Drawn with Shadow Pens du belge Yves de Mey (ici).
Rares auront été ceux à reprocher aux deux musiciens leur abandon des très émotionnels sentiers de l’ambient et de l’electronica; au profit d’une musique « futuriste », déshumanisée, et très axée sur la rythmique. Bien qu’incontestablement impressionnant du point de vue de la production, parfaitement cohérent dans le parti pris et parsemé de fulgurances, leur premier album m’en aura touché une sans me secouer l’autre. C’est souvent l’effet que me font les sculptures sonores trop ambitieuses, souhaitant dompter le chaos à partir de recettes aléatoires.
Avec le recul, je continue de réduire ce disque à une séance d’onanisme geek à quatre mains, certes très bien exécutée mais très loin d’arriver ne serait-ce qu’à la cheville des monuments de sa principale inspiration : Autechre.
Pour leur deuxième album, le duo semble persévérer dans les déclarations d’amour au son de Sheffield tant le fantôme de Mark Fell envahit la quasi totalité de ses compositions. Mais c’est cette fois ci autrement moins dérangeant.
S/W a en effet conservé les qualités de son aîné tout en offrant plus de maîtrise à ses initiales velléités. Bien que lardée de ces nappes boostées à la réverb’ qu’on ne rencontre plus que dans la dub techno et qui m’emmerdent d’habitude considérablement, la synthèse des deux gaziers s’en voit positivement ré-évaluée. Le focus est toujours autant placé sur la densité rythmique, mais l’usage de leurs algos et de leurs codes se révèle comme beaucoup moins cryptique.
Pour illustrer au mieux dans le son le caractère très androgyne de l’artwork associé, Second Woman est parvenu à faire cohabiter des textures et des sous-genres réputés comme peu complémentaires. Ainsi, un footwork bionique se voit associé à des trames mélodiques célestes et chaleureuses là où ailleurs, une bassline anguleuse se révèle comme le contre-point de breakbeats en décomposition.
Il convient donc de considérer S/W comme autrement plus abouti que son aîné. Surtout de par sa capacité à faire surgir à travers une immense froideur autant de beauté.