Lobster Theremin, le nom vous dit certainement quelque chose. Si vous avez été un tant soit peu attentifs à l’actualité musicale de ces derniers mois ou, plus précisément, aux sorties House UK, difficile de passer à côté. Le label londonien fondé l’année dernière a le mérite de ne pas perdre de temps. En quelques 8 sorties le homard domestiqué a infiltré la plupart des sets House / Techno des clubs européens et distribue régulièrement son quota de roustes bien ajustées lorsqu’il s’agit de pondre un nouvel Extended Play.
En matière de talent scout, pas de doute, Jimmy Asquith maitrise son sujet. Le fondateur du label et habitué des réputées Find Me In The Dark qui blindent régulièrement le Corsica Studios, a offert avec son label la tribune à des artistes pour la plupart inconnus, poignée de bidouilleurs aux phalanges délurées comme Palms Trax, Route 8 ou encore Snow Bone. La ligne artistique du label oscille généralement autour de la Techno et de la House avec, tout de même, un penchant assez marquée pour la seconde qu’elle soit mâtinée d’expérimentations ou délavée au white spirit, tendance Néo Chicago.
La sortie qui nous intéresse aujourd’hui, Day Laborer – EP, est l’œuvre d’un illustre inconnu ou presque, il s’agit du boss de Crisis Urbana. Rawaat, jeune homme originaire de Détroit, vient sereinement apporter sa plaque au catalogue du label avec 5 tracks d’une qualité qui laisse admiratif, voire même béat, comme ce mec derrière moi qui prie Santa Clara de Asis, Persol sur le nez, le cul dans une bassine. Afin de mieux saisir ce qui se joue ici, asseyons-nous donc à ses côtés un instant, histoire de mirer le Grand Incandescent dans les yeux, histoire d’écouter, le séant en apesanteur, le murmure des cyprès.
L’ouverture Ambient, Caverns Of Reflection, laisse déjà présager par la justesse de la tonalité – un rien mélancolique, un brin désolée – et le choix de textures – souples et dociles – que notre cher Rawaat a scrupuleusement travaillé son sujet. Et effectivement, nos supputations se voient rapidement confirmées grâce à Exp 2, lente mise en orbite portée par une perc line nerveuse – cisaillée de hats et claps indomptables – et par l’envolée d’un synth élégamment rétro. Cette dernière vient contrer l’écrasante aridité de l’introduction. Notons également que l’usage de vocaux difformes permet de soutenir la narration de la track et d’épaissir la captivante singularité du tout. La singularité est probablement ce qui régit l’ensemble de l’Extended Play. Permettez-moi d’orienter les plus sceptiques d’entre vous vers Motion Sensor, véritable travail d’orfèvre. La progression se base sur une nappe rugueuse rapidement agrémentée de field recordings. Bleeps, sifflets, djembé et fausses pistes se multiplient, se superposent et s’enchevêtrent pour mieux renforcer la suave confusion qui émane de la track. L’arrivée du kick talonné par une bassline d’une densité peu commune tisse ainsi le canevas que Rawaat viendra éclabousser de son spleen azure par la suite. Nous plongeons à corps perdus dans la Versatile Turquoise.
La track éponyme, sans doute plus propice à l’usage en DJ set, trimballe des percs d’une lourdeur remarquable nuancées par la légèreté des vocaux, des vagues synthétiques qui viennent réguilièrement les rafraichir. Bien que se voir remixer par Huerco S. pour sa première sortie soit, à n’en pas douter, gratifiant et gage d’une certaine qualité, le remix en question fait pâle figure face aux originaux. Les teintes ocres et azure sont bien là mais on peine à accrocher durant ces 8 minutes 16 d’une House finalement assez convenue, chose à laquelle le jeune kansan ne nous avait pas habitué.
Tout ici se construit par effusions de lucidité, touches azure soudaines, intrusions lumineuses d’une clarté aveuglante. Certes, l’appréhension de la release requerra probablement plusieurs écoutes mais ce n’est au final que pour mieux nous soumettre aux vertiges héliotropiques, au mysticisme solaire de ces 30 minutes d’impressionnisme fantasque. Une bien prometteuse sortie pour Rawaat et une réussite de plus à l’actif de Lobster T.