Actif depuis déjà un peu plus de cinq ans, Noah Anthony s’est d’abord, comme beaucoup d’autres avant lui, essayé à la techno industrielle. Avec succès et compétences. Mais déjà à l’époque, se faisait sentir un goût prononcé pour l’expérimentation et une très audible envie de ne pas enfermer sa musique dans un carcan. Après des lives salués en Europe ou aux States et un split avec Nick Klein, son projet Profligate se voyait évoluer vers des sentiers moins club, mais où les synthétiseurs ne sont jamais avares en musicalité. Outre le fait d’avoir été salué sous les houras de la communauté de Bandcamp, son nouveau long format vient de sortir chez les newyorkais de Wharf Cat (à qui on devait déjà le très bon album d’Horoscope l’année dernière) et allonge dès le mois de janvier l’an 2018 en PLS.
Autant le dire tout de suite, cet album me fait un effet dantesque, quasi comparable à celui ressenti aux premières écoutes du sublime album de JASSS. Avant tout parce qu’il déploie une dimension artistique aussi dense que viscérale, mais surtout parce qu’il assume lui aussi une totale hybridation identitaire. A partir d’influences aussi diverses que finalement reliées; telles que la synthwave originelle, le recours industriel Coilesque, un background techno encore juste assez vivant et la pop dansante mais teintée d’amertume qu’on pouvait entendre dans les milieux gays des 80’s, il livre une création extrêmement intelligente, très personnelle et foutrement rafraîchissante. Dans un futur idéal, cet album serait pour moi l’étendard d’une pop érudite, moderne et aventureuse.
Malgré leur désarmante immédiateté, les deux premiers titres font l’objet d’une complexité de composition impressionnante. Mélodies et harmonies font mouche, les parties vocales dégagent ce chatoiement ambigu, toujours entre distance froide et chaleur revigorante, qui forge ce bien trop rare art du spleen hautement chargé en bienveillance. Les véritables guitares glacées s’allient avec une fluidité déconcertante aux parties purement synthétiques. C’est juste sublime, encore plus quand strilles et hachures industrielles tutoient la beauté des mélodies sans jamais rien leur enlever. A bien des endroits, et donc pas seulement pour les notes vocales, Circle Of m’a rappelé les expérimentations qu’avaient construit Radiohead à l’époque de Hail To The Thief, plus particulièrement des titres comme Sit Down Stand Up ou The Gloaming.
Si le reste de l’album demeure d’une excellente facture, aucun titre hormis les très bons Jet Black (King Of The World) et Black Plate ne me foutra autant par terre que les deux premiers. Mais c’est justement là la force des grands disques, que de maintenir l’intérêt constant y compris même quand l’oreille sursaute un peu. Si un titre comme Enlist va déployer des textures et une ambiance qui ne me parlent à priori pas, je parviens à aimer ce morceau parce qu’il est lui aussi touché par cette intelligence totale de compo. A noter aussi que les interventions de la poétesse et chanteuse Elaine Kahn sont toujours savoureuses et apportent une vraie plus value de contraste à l’album.
Somewhere Else porte définitivement bien son nom. Si la pop électronique a presque toujours été une pantalonnade sans nom, ce disque réhabilite l’intitulé en l’emmenant vers un ailleurs, où l’expérimentation n’est jamais gratuite ni vaine, mais toujours juste et accessible à tous. Il y a des succès d’estime qui ne doivent rien au hasard ni à une quelconque hype. Cette galette géniale fait partie de ceux là. 2018 est lancée, même si je ne doute d’ores et déjà pas que peu de disques pourront s’enorgueillir d’autant de fracas. Tu sais désormais quoi faire des thunes que t’a filé mami entre la bûche et le foie gras.
Merci pour la découverte!
Très bon disque avec cette qualité rare de pouvoir plaire aux grandes et aux petites oreilles. Une tuerie a partager en famille a l’heure du gôuter.