Lors d’une précédente chronique nous vous relations les méfaits du label BAROC et de l’unes de leurs nouvelles recrues en Doc et Harrington, le portugais Foreign. Conscients du caractère plus que probable d’une récidive, nous vous mettions en garde face au risque, élevé voire certain, de ramasser raclée à l’occasion des prochaines sorties du label – et pour tout vous avouer, on l’attendait de pied ferme, avec l’excitation d’un gosse nouvellement équipé d’une carabine à plombs. Et il semblerait qu’on ne s’y soit pas trompés puisque les casseurs colonais reviennent en ce début d’Automne bien décidés à en découdre avec une nouvelle sortie du producteur allemand Paperwork.
Pour ceux d’entre vous qui ne resitueraient pas le contexte, le catalogue du label, uniquement composé de sorties vinyles, flirte aimablement avec les aspérités d’une Raw House / Techno analogique façonnée aux knuckles et au reel-to-reel. BAROC, comme on aime à vous le répéter, c’est un truc de puriste, un trip DIY confidentiel, une bravade punk confinée à un cercle de dévots frondeurs. Il est temps que cela change et le nouvel EP de Paperwork est à peu près tout ce dont nous avions besoin pour cela.
A l’instar du précédent opus dont nous vous avions vanté les mérites, denses bouffées de thai grasse, de gueules, rêves et phalanges brisées, What Mary Didn’t Know porte lui aussi les séquelles de la mauvaise éducation. Locution hypermétrée, flanquée de jalons percussifs sévères, de kicks déraisonnablement lestés, de hats tranchants, de basslines aux ronflements d’ogre, les crachats et crochets de Paperwork fusent et pleuvent au fil de ces 17 minutes de pure Raw House Leftfield. Drapées d’une saturation analogique omniprésente, les trois tracks promues en ces lignes ne manquent pourtant pas de finesse, ni de soin dans l’exécution. Outre la prégnance des percs propices au dallage de dancefloor façon Walmart désaffecté, la surprise provient ici de la capacité du producteur à incorporer au fracas de lignes 4×4 punitives de prodigieux développements mélodiques.
A cet égard, la première track, Untitled, incarne parfaitement le numéro d’équilibriste auquel va se livrer notre Paperboy préféré pendant toute la durée du EP. Introduite par l’écho d’un angélus tout droit sorti du Malebolge, la track roule au crin et à la sueur d’une ligne de percussion marécageuse, embourbée jusqu’à l’échine, tandis qu’en toile de fond ne cesse de s’élever l’angélus porté par une bassline divine. Goth love under the Croatian pines. L’ambiguïté, aussi ostentatoire soit-elle, ne perd rien de son charme. D’ailleurs, toute aussi fascinante est la chute sous les mortiers de la seconde orpheline, Untitled. Ici encore, les sonorités Raw House, voire Techno, sont poussées jusqu’à la brutalité la plus primaire – non, mais sérieusement écoutez-moi ce clap… –, ceci dans l’unique but de mieux venir nous cueillir à l’encolure lorsque viendra éclore, aux premières lueurs de l’aube aluminium, un incroyable clavier Leftfield aux dentelures concentriques. Quant à la track éponyme, nous vous laisserons le soin d’en savourez le groove glacial, tout aussi délectable, bien que très (trop ?) proche du contenu de la face A.
Toujours entre crasse et sublime, What Mary Didn’t Know fait naître la fascination de cet équilibre précaire, sans cesse ajusté, entre agression percussive et crescendi Leftfield fulgurants. En ce sens, les productions de l’allemand nous rappellent à bien des égards celles d’un autre surdoué du genre, son compatriote Annanan dont nous vous parlions ici. De la même façon, on ne se lasse pas d’encaisser les accès de génie de Paperwork, de l’observer épancher bile et louanges, sculpter l’obscurité à 33 tours et 45 tours par minutes avec tant de facilité. Les connaisseurs guettent déjà la sortie chez Kristina, quant aux néophytes, nous les invitons à en faire de même. Les copies sont peu nombreuses et les loups affamés, bref, vous connaissez le tarif.