Pan Sonic. Tu connais ? Bah tu devrais. C’est un duo légendaire finlandais (Mika Vainio + Ilpo Väisänen) qui a su puiser dans l’héritage industriel et les vieux synthés analogiques pour distiller une essence toxique juste comme il faut. Ou comment assouvir son côté punk, mais sans en épouser la connerie. Ils laissent derrière eux une tripotée d’albums dont on retiendra plus particulièrement Kulma et Gravitoni, ainsi que des collaborations avec des gens tels que Merzbow, Charlemagne Palestine ou Keiji Haino. Les gens de chez Kvitnu, label ukrainien dont on parle surtout depuis qu’ils pressent des vinyles (et aussi pour trasher Plaster et un peu Sturqen, mais ça c’est une autre histoire), sont des gros malins. En fin d’année dernière, une petite annonce de « coming soon » avait suffi pour affoler les fans, tant et tellement que certains ont même cru à une reformation. Oksastus est en réalité l’enregistrement du live livré par le duo durant le festival Kvitnu de 2009 à Kiev., juste avant sa séparation. Ce qui ne doit bien évidemment gâcher le plaisir de personne, mais qui mérite d’être envisagé uniquement pour ce qu’il est.
Pan Sonic ont prouvé à toute une génération de punks domestiqués (qui se lavent et qui poussent le vice jusqu’à bouffer des Bolinos) qu’on pouvait faire de la musique sale très proprement, et ce de manière extrêmement élaborée. Toute référence aux aficionados de musiques (pseudo) extrêmes streamés en 128kbps étant tout sauf fortuite, précisons que chier dans une Heineken ne suffit pas à la rendre meilleure (les punks domestiqués font ça, entre deux pastaboxs). Tout ça pour dire que Pan Sonic ne sont pas nihilistes, juste des esthètes du bruit brut. Mais qu’on se le dise, leur performance live ici captée ne fait pas dans la fioriture ou l’enluminure qu’on retrouve dans leurs productions en studio. Les textures sont rêches, abrasives, brutales, primitives même peut-être aussi, mais se situent bien loin des vaines révolutions régressives très adolescentes et propres à énormément de productions affiliées au même genre.
Ceux qui ont assisté au live ont dû en prendre plein la gueule, ça tombe bien, c’était sûrement le but. Si Pan Sonic ne révolutionne absolument rien sur les sentiers de la « technoise » downtempo, reconnaissons que nul n’avait songé jusqu’ici à faire du circuit bending avec un R1 sans pot, ni même du field recording dans le rectum de Nadine Morano. Je sais, ça a l’air abstrait, extrêmement technique et risqué dit comme ça, mais le premier titre devrait suffisamment bien illustrer le propos (7’06 »).
Au milieu des (ultra)sons aptes à faire sauter les chats jusque dans la baignoire (l’introduction de 17’28 »), des fréquences fécales, des frappes sournoises, des blasts accouplés à des scies sauteuses et des flatulences aussi gargantuesques que nauséeuses (5’31 »), on retrouvera aisément les mêmes canevas rythmiques introductifs qui firent de Load et Wreck les meilleurs titres de Kilo lors de 4’35 » et 11’03 ». Pour le reste, disons que les motifs sinueux, les émanations de gazs neurotoxiques et les fractures au scalpel émoussé maintiennent plutôt bien le bourdon en hyper activité. C’est souvent passionnant, éreintant aussi, mais ça a le mérite de faire le taf, même quand certains titres (les plus longs surtout) surfent parfois dangereusement avec le purement indigeste.
Bien plus qu’un simple objet réservé aux collectionneurs, Oksastus trouvera un écho tout particulier chez ceux qui aiment parfois salir quelque chose de beau ou faire du mal à d’innocents petits animaux. Pour faire de l’urbex dans une fosse sceptique, ou soigner la grippe de slip que connait l’industrie française, bah ça devrait marcher aussi. Un bouquet de beats taillé à fleur de nerfs, réservé donc, mais à un public averti.