Alex Smalley et Svitlana Samoylenko sont les deux parties qui composent Olan Mill depuis 2010 et leur premier album Pine, sur le trop rare label Serein (abritant déjà Nest et Konntinent). Cet opus avait généré une confidentielle mais certaine émulation autour de leur nom. Des sites aussi renommés que crédibles comme The Silent Ballet, Fluid Radio (forcément) ont vivement salué ce nouvel album à sa sortie. L’illustre Textura lui a même offert le titre d’album du mois de mai. Autant de raisons qui forcent Paths à trouver sa place aujourd’hui dans nos lignes. Il est sorti sur le très jeune et calme label Facture, affilié à Fluid Audio.
Outre l’incontestable et troublant romantisme qui habite les six titres de Paths, qu’est-ce qui distingue cet album de la multitude de sorties similaires qui pullulent actuellement ? Sa désarmante désinvolture sans doute, de par son absence totale de cohésion entre les titres. Mais aussi parce que l’orchestration classique (certes dominante) est avant tout le maillon d’un ensemble qui pourrait avoir vu le jour sur la Lune.
Ce sentiment d’altitude infinie est surtout palpable dès l’entame de Bleu Polar, où le dialogue tenace entre crins volatiles et d’épaisses nappes ambient dévoilent des paysages oniriques propices à l’apaisement. The Square Is Porcelain ouvrira les même sentiers de la béatification stellaire à un piano volubile, narrateur de belles mais tristes histoires où il est probablement question de nostalgie, d’amours passés à côté de l’érosion des sentiments. Tout cela est définitivement très beau, mais peut-être un peu lisse et convenu si on doit s’en enfiler plus d’une heure.
Voilà donc pourquoi Amber Balanced peut prétendre à l’excellence, parce qu’il rompt complètement avec les schémas précédents. Parce que ses flux tendus installent un terreau plus sombre, à la limite du drone, avant d’enfin lâcher les orchestrations semblables à des cris. Parce que la guitare, et ses effets de mutation, viendra maculer les étendues désertiques d’une matière plus torturée et plus inquiétante. Il pleut des larmes chaudes sur la Lune.
Le bifidus actif reprendra ses droits sur Intestinal Flora (ahahah) et Eye’s Closed. Le deuxième cité ouvrira même la voie à un nouveau métronome (après le piano et la guitare) avec l’apparition plus précise et plus intéressante d’un orgue à piston, qui amplifie forcément cette impression de voguer vers des cimes spatiales. Tandis que le plus long Stalled Boson mettra toutes les strates décrites précédemment au diapason, en s’armant avec patience de toute la féerie et l’élégance qui éclatent lors de ce très très joli album pourtant bien trop court.
Quand je parlais au départ d’absence de cohésion, c’est surtout pour souligner (peut-être maladroitement) que chaque pièce de cet album peut-être envisager individuellement et dans des contextes complètement différents. Fait rare dans ce genre d’albums, même si pour moi l’aspect lunaire et contemplatif en est la véritable toile de fond. Quatre titres de plus et on aurait pu parler de réussite totale. Car l’ambivalence et certaines aspérités plus sombres auraient pu sublimer d’avantage les contours de cette beauté un peu lisse. Très bel album quand même.