Il manquait un album de techno permettant enfin de situer positivement 2011. Lucy débarque avec son premier album et s’impose immédiatement dans le peloton de tête de l’année. Wordplay For Working Bees est une petite tuerie. La surprise est d’autant plus grande qu’on ne l’avait pas vu venir. En effet, l’Italien Luca Mortellaro ne nous avait pas, jusqu’à présent, titiller durablement les conduits auditifs. Quelques maxis depuis 2007, la mise en place de son propre label, Stroboscopic Artefacts, et le voilà prêt à lâcher son premier album.
Wordplay For Working Bees est d’une noirceur abyssale, un album de techno pétri dans le métal le plus corrosif qui soit, une odyssée anxiogène dont il est difficile d’échapper. L’album échappe aux cases réductrices. Le confiner à une simple appellation techno frôle le blasphème. En effet, jamais Wordplay For Working Bees n’impose une rythmique répétitive frontale, jamais la moindre mélodie ne tente une infime incursion. Tout se concentre uniquement sur une ambiance deep, dark et introspective. On reconnaît pourtant les influences du disque que sont le label Ostgut Ton avec Marcel Dettmann pour les sonorités organiques et Shed pour l’absence de compromis mais aussi Shackleton pour l’intense aspect immersif.
Worldplay For Working Bees est un album qui se mérite tant son aspect anxiogène vous encercle. On ne négocie pas avec la peur. Vous avez l’impression de vous retrouver enfermé dans une vaste, sombre et glaciale cellule métallique. Les pulsations cardiaques et les bruits inquiétants de Tof font alors figures de mise en bouche. A mesure que l’album étant son univers, l’escalade vers une angoisse de plus en plus palpable s’impose. Les 9 minutes rampantes de Bein vous laissent seul, dans votre cellule, face à une meute hostile de veuves noires et alors que vous pensiez en avoir fini avec ces sales bestioles, voilà qu’un essaim d’abeilles africaines surgit à l’écoute de Gas. Acculé dans un recoin, les piqûres font offices de modestes démangeaisons vis-à-vis des hallucinations auditives qui s’enchaînent. Soyons clair, si vous n’aimez pas les insectes, vous allez en baver durant l’écoute de cet album et quoi qu’il en soit, vous ne regarderez plus jamais Microcosmos de la même façon. Heureusement qu’une fine accalmie survient avec un Es aux nappes évanescentes avant d’être enfin libéré de cette prison par un Ter lumineux.
Lucy signe une partition techno impressionnante de puissance contenue. Cet objet hybride échappe à toute classification et redéfinit en profondeur les bases de la techno. Lucy frappe très fort avec ce premier album faisant preuve d’une remarquable maîtrise technique et d’une totale absence de compromis. En convoquant vos pires phobies, Wordplay For Working Bees se révèle malsain et vicieux. Fascinant.