Eternelle promesse d’une frange industrielle particulièrement confidentielle, on peut aisément dire que le projet Liberez s’est longtemps cherché. Pourtant deux fois exposé par Alter, le label de l’aujourd’hui plus que reconnu Helm, il manquait à la discographie du duo un disque à l’aboutissement généralisé, de ceux qui font franchir les paliers de l’excellence. All Tense Now Lax est sorti il y a quelques semaines dans une indifférence qui pose question. Tentons à notre humble niveau de réparer l’infamie, puisque ce disque est juste une pure tuerie.
Bien loin des nihilisteries adolescentes, de celles qui faute de conscientisation se contentent bêtement de détruire quelque chose de beau pour s’accorder une contenance vaguement keupon, et à contre courant des volutes « ethniques » de toute cette très actuelle tendance à la fusion post-colonialiste, Liberez a choisi de sublimer son évolution rythmique dans le crescendo qui rend fou, dans une qualité de distorsion rare. De prôner l’ambivalence du propos et du sentiment comme zone de catharsis. Explorer la violence dans ses tréfonds sans s’y perdre, et n’en retranscrire que la noblesse.
L’album en présence puise toute sa force dans sa capacité à caresser et à frapper sans changer de main, à ériger des temples païens hypnotiques qui sans la moindre confusion suggèrent des émotions lourdes de symboles. Ajoutons à cela une sensualité sauvage et viscérale, et pas uniquement au creux des titres plus calmes où les marteaux brillent par leur absence et où le violon se fait moins torturé (All Tense Now Lax, Stop Your Breathing), pour réserver encore un peu plus ce disque aux loups émeutiers et aux charmeurs de reptiles. « It’s just a Game, it’s just a Game » nous sussure Nina Bosnic sur l’impressionnant 419 Chop Your $.
Si Grateful Family donnait déjà de solides indices sur le postulat rythmique et sur la cohabitation des différentes textures, l’immense Grease the Axles (et son roulement qui attaque par la nuque) installe définitivement le diagnostic : cet album est digne d’une improbable rencontre entre Cabaret Voltaire et Swans. Déchaîne toi donc brasseur de l’impossible, sans oublier d’écouter le titre en question avant d’asséner ta vindicte face à mon mince excès.
Dans la droite continuité, How much for your Brother, bien qu’en apparence beaucoup moins démonstratif, devrait lui aussi laisser des traces durables sur les peaux orphelines.
Connecté parfaitement en terme de sens au titre introductif, le final signera le retour d’un piano revenu des sentiers de la damnation, suivant les pas d’une batterie sublime dans ses apparats les plus simples. N’ayant pas assez de mots pour vous convaincre un peu plus du caractère exceptionnel de ce disque et de tout ce qui m’y trouble, espérons que le sang et le lait soient réclamés par les foules.