Roel Funcken est ce qu’on peut appeler un vétéran de la scène électronique. Tout d’abord accompagné de son frangin Don, avec qui il fabriquait les beats de la légendaire formation rap Shadow Huntaz, au sein des duos Funckarma (que certains allaient jusqu’à comparer à des BOC bataves à l’époque) ou Quench, et dans Legiac, dont le tout à fait recommandable Mings Feaner date quand même de 2007. Don semble être allé voir ailleurs, ne restent donc plus que Roel et Cor Bolten, compagnon de longue date avec qui ils formaient Dif:use mais dont je connais moins le boulot. Je dois avouer que depuis quelques temps, les travaux du néerlandais m’ennuyaient au plus haut point. J’irais même jusqu’à dire que certaines de ses réalisations pouvaient être qualifiées d’indignes de son rang.
Il y a de ça quelques années, sur un vilain blog parent de celui-ci, je faisais l’éloge de la moindre sortie estampillée Tympanik Audio. Avec le recul nécessaire sur ces années de plomp, je me dis que mon envie de voir perdurer le sillon IDM et post-industriel (entamé par les légendes que l’on connait) m’avait conduit à une certaine forme d’emphase excessive. Des gens comme Access To Arasaka, Tapage, SE ou Geomatic continuent pourtant de me réserver des sansations fortes et durables à chaque fois que je me risque à les ré-écouter. Même si le Ninetynine de Poordream et le Transience de Tangent contenaient bien quelques fulgurances, je ne parviens pas à me souvenir, depuis trois ou quatre ans, d’un album sorti par la maison de Chicago qui ai pu m’arracher un peu plus qu’un sourire en coin. Alors autant aller droit au but dès maintenant, l’album présenté aujourd’hui relève le niveau, et ce bien au-delà des mes espérances.
Parce que justement, il renoue le contact avec cette veine IDM des années 2000 à 2010 qui m’avait tant passionné. Parce que Roel Funcken et son pote Cor Bolten ont su hisser leur niveau de composition jusqu’à l’excellence, pour offrir plus qu’un digne successeur à Mings Feaner. Et parce que soyons encore plus clairs, ce The Faex Has Decimated est une véritable réussite qui rejoint tout droit les 7 ou 8 meilleures sorties du label.
Amateurs d’épopées venues d’un autre monde ou d’un autre temps, là où les robots gambadent et guerroient dans des prairies synthétiques ouvertes aux quatre vents, cet album devrait vous offrir une dose non négligeable de futurisme et de beatworking croustillant (Sevastopol’s Nexus). Même si on pourra le trouver interminable et relativement échevelé sur le plan strictement narratif, il peut se targuer d’être associé à une production limpide, à une qualité technique impressionnante et à une modernité de travail que bien des sound designers pourraient leur envier. Les plus aguerris à ce genre de son constateront l’omniprésence du software, les même critiqueront peut-être aussi le côté chatoyant de certaines sonorités et textures résolument plastiques (Bizoid Stroke). Toujours est-il que les deux compères ne se sont pas contentés d’utiliser des éléments rythmiques déjà poncés par toute la scène, et qu’ils ont su parfaire aussi bien les titres les plus beatés et hachurés (Mantikythera Echanism, Jefre Treminth, Sprain Detaxx, Row Glodation) que les plus contemplatifs, luxuriants, mélodiques et plus ambient (Keplerian Orbit, Conazol Ketamind, Hannabinoid Cyperemesis).
Au risque de perdre l’auditeur rigoriste et/ou coutumier de certaines productions répétitives du genre, le duo a conçu tous ses titres comme des pièces en mouvement perpétuel, sans socle ou thématique de base pour pouvoir se reposer sur un certain confort de composition. Et même si ça ne poussera pas certains morceaux plus faiblards au rang de la transcendence, ce parti pris ô combien risqué mérite définitivement d’être salué.
N’ayons donc pas peur des mots, The Faex Has Decimated est une excellente surprise, qui plus est particulièrement inespérée. Elle permet de se rappeler aussi du graphiste lyonnais (encore meilleur photographe) shift, qui signe ici l’artwork et dont nous parlions à une époque pas si lointaine mais malheureusement révolue. Tympanik n’est pas (encore) mort. Pourvu que ça dure encore un peu.
PS : Si toi aussi tu trouves que Keplerian Orbit est comparable à une version courte et composée en 2078 du Again d’Archive, bah je te fais des bisous, et même des coeurs avec les doigts.