Si le grec Dimitris Doukas signe là son deuxième long format pour la crémerie d’Anvers Audio, Visuals, Atmosphere, bon nombre d’entre vous le connaissent probablement mieux sous son autre projet techno sombre et ultra proliphique : Restive Plaggona. Le label belge héberge en son sein des sorties qui ne se valent pas toujours, et dont les soins de production ne sont pas à chaque fois à la hauteur, mais la plupart de ses pensionnaires décline un terreau créatif extrêmement fertile, ainsi que des talents de mélodistes impressionnants armés de synthétiseurs. Too Much For Nothing est fait de ce même bois profond, jamais avare pour ce qui est de fortement stimuler l’imagination.
Sans concrètement que j’arrive à identifier pourquoi et comment, Too Much For Nothing m’évoque l’enfance et son esprit, cet âge vierge de tout, où l’inconscient succombe à une errance imaginaire qu’on aimerait ne jamais voir tarie. Ce moment innocent, où l’arbre de la vie a pour plus grande obsession de faire naître des fleurs, plutôt que porter ses fruits.
Cet âge, où à partir de rien, on s’invente des histoires sans fin. Des mondes enfouis, avec des princesses se jouant des étoiles pour rallumer la nuit. Cette nature indomptabe, mère de tous à ciel ouvert, dont on fait chaque soir son éternel logis. Des monstres qui prennent naissance sous nos lits, et qu’on terrasse la fleur au glaive le long des oriflammes pour fair triompher la vie. Des scénarios dont nous sommes les immortels héros transis, pas encore effrayés par ces sombres sonnets que soufflent les vents glacés, annonciateurs de ce grand néant qu’est ce tumulte adulte qui nous soustraira à la rêverie.
Béni soit cet âge ingrat, où l’on a encore la naïveté de crayonner tous les tableaux noir du monde d’ici bas, et convoquer Casimir à Guernica.
Malgré mon emphase, je ne doute pas un instant que beaucoup d’entre vous vont faire un total rejet de cet album. Les sonorités sont en effet ultra cheesy, et on pourra voir là une tentative new-age un peu lourde. Je l’envisage pour ma part comme une symphhonie synthétique de très haute volée, où le piano intervient dans le plan et entre les couches comme un électron libre pour contraster ce grand tout digital. Le seul maigre regret que je pourrais avoir trouve sa source dans le caractère un peu abrupt avec lequel certains titrent se concluent. Et j’avoue vouer une passion toute particulière pour Artemisia (Chapter III), où la beauté et la tristesse se conjuguent pour former un sentiment étrange de spleen heureux.
Too Much For Nothing ne flattera pas toutes les oreilles comme il a irradié les miennes. C’est en tous cas une nouvelle et toute autre palette de compétences offerte par Restive Plaggona. La nostalgie du rêve, tout un programme pour sublimer les insomnies.
PS : A noter que pour les inconditionnels de matériel vintage et analogique, la cassette n’est pas encore sold out.
Heureux de voir que Too Much for Nothing de Leftina Osha s’est échoué ici!
Merci pour cette superbe découverte. Et merci pour toutes les autres (je ne me suis toujours pas remis de Belief Defect).