Suite logique ou non, neuf mois après son brillant Waiting For Love 1 – 4, Kerridge sort sur ce même label un album répondant au doux nom de A Fallen Empire. Bien que l’on connaisse la difficulté de produire un album Techno intéressant de bout en bout et efficace sans être émétique dès la deuxième écoute, nous plaçons en ce LP nos espoirs tus et chimères érodées. « Et telle fut trouvée la preuve par l’essence ».
En premier lieu, l’étonnement. N’en déplaise aux puristes, l’entité Kerridge semble bien, si ce n’est inspirée, s’être perméabilisée, sans pour autant tirer de révérence – « Won’t bow, don’t know how » –, nous croisons tout au long de ce LP des silhouettes couleur sienne, qui malgré leur difformité, ne nous sont pas parfaitement étrangères. Nous pourrions notamment citer les récents blocs de grès sortis sur Mira – l’enfant terrible de Avian –, Hospital Productions ou Bed Of Nails – tous deux fondés par Fernow le Grand – pour la friction dure, l’approche paroxystique du Noise ou encore certaines sorties estampillées Noir Trichrome – Blackest Ever Black –, en particulier le Word As Power de Lustmord pour les arabesques vocales et le phrasé Dark Ambient, le verbe fort – Cf. Chant, Black Sun –. Kerridge, chantre aux paumes vermillon, cingle des voûtes séculaires de ses sermons, expectore les louanges de la désolation.
La désolation – suggérée par l’impressionnant artwork d’Easton West et Iain Curran – ponctue et offre sa cohérence au cheminement étayé durant ces 7 tracks. Plus que cela, cette dernière est abordée sous un angle bien précis, celui du conflit militaire, de la confrontation armée, désolation guerrière donc. De nombreux éléments méthodiquement disposés semblent nous indiquer la voie de la garnison : les rythmiques au soufflet martial – Cf. Straight To Hell, Death Is Upon Us –, les éructations d’armements négligemment manipulés – Cf. Heavy Metal, Scare Tactics – ou encore les déflagrations, l’épilepsie des champs de bataille – Cf. la syncope démente de Disgust, qui nous rappelle certaines tracks d’Emptyset –. « Les décombres bruissent sous l’écume lourde ».
Aussi, la progression est le plus souvent lente, entravée de cratères, douloureuse comme une écharde sous l’ongle mais finalement salvatrice. Nul doute d’ailleurs que l’auteur ait trouvé dans la production de ce LP quelque fin cathartique. In fine, ce que nous, auditeurs et voyeurs patentés, ne manquons pas de percevoir comme autant d’aveux, expression d’une volonté d’expier ce sont ces frictions, ces peak times asphyxiants, ces expérimentations industrieuses, cette grêle Noise perpétuelle désormais devenus signes distinctifs du son Kerridge.
En conclusion, A Fallen Empire est une œuvre à la beauté primaire, mordante. Plus que cela, ce LP signe l’explosion d’un talent brut qui n’attendait visiblement que le tranchant de l’exercice du long format pour imposer son génie – ou son majeur – aux yeux de tous. En bons dévots, nous n’attendons désormais plus qu’une chose, le prochain sermon.