Ici, il ne sera question que de cordes. Six à la base, précisément. De cordes qui se démultiplient, s’entrelacent, se répondent et évoluent pour former un édifice acoustique impressionnant. Le guitariste, Tom Lecky, est originaire d’une région rurale de l’état de New York, qui a prêté son nom à son projet : Hallock Hill. Son premier jet, The Union, est sorti en 2011 chez Hundred Acre Recordings et a été réédité par MIE Music en double album, accompagné de son dernier opus, A Hem of Evening. Bien que sorti l’année dernière, il n’est pas encore trop tard pour revenir sur ce bijou qui mérite grandement le détour.
Entièrement improvisées, les compositions de Hallock Hill voient se superposer ses nombreuses guitares sans jamais étouffer l’auditeur par leur densité. Car oui, il y en a beaucoup. Qu’elles soient acoustiques pour les cinq morceaux au centre du premier album, ou plutôt électriques pour le débuter et le clôre, il se dégage de ces enchevêtrements une fluidité désarmante. À travers ses sculptures de cordes, Tom Lecky évoque ses souvenirs distants, braises du passé qui tentent de ressurgir dans son présent. Des ricochets sur le le lac de sa jeunesse, dont les ondes n’atteindraient les berges qu’aujourd’hui. Des sursauts de mémoire qui veulent se fondre avec le maintenant, où il se perd avec émerveillement. Des réminiscences d’une rivière de sa campagne, splendide Ausable, au moulin de son enfance, il enchaîne les cavalcades de cordes, les dialogues de ses guitares qui interagissent et se font écho, et surprend toujours. Surtout sur Pencil Spin, tableau d’une étendue désertique que viennent lacérer des décharges électriques, qui contraste avec le ton général de l’album par son atmosphère brusquement plus menaçante.
Sur le second album, A Hem of Evening, Hallock Hill prolonge les thèmes de ses compositions acoustiques au centre de The Union. Là encore le guitariste improvise, mais d’une manière différente. Alors que ses précédents morceaux progressaient au fil des strates successives de cordes qu’il venait greffer, ils évoluent ici de l’intérieur, telles des entités que Tom Lecky aurait façonnées de son instrument et qui, suffisamment pétries puis laissées à elles-mêmes, s’épanouiraient, se transformeraient, et laisseraient alors éclore leur beauté. Le résultat est tout simplement limpide et fascinant. Tellement qu’il devient difficile de mettre plus en avant un morceau qu’un autre tant chacun impressionne. Peut-être The Sheets alors, où l’on reste sans voix devant une telle virtuosité — plus que sur les autres, disons.
L’œuvre est appuyée par le mastering impeccable de James Plotkin qui renforce davantage l’immersion dans ce monument de cordes. Il va sans dire que Hallock Hill se hisse aux côtés des grands noms de l’année dernière et signe avec The Union / A Hem of Evening un coup de maître dont les écoutes successives ne feront qu’accentuer son éclat.