Des coordonnées cartographiques ouvrent cet album en privilégiant un empilement de nappes synthétiques et une mélodie éthérée. Comme si Boards of Canada avait réalisé la B.O. d’Apocalypse Now. Déroutant… S’enchaîne alors « The Walk » qui instille un croisement Club Disco et Hip-Hop. Vous souhaitiez mixer « Funky Town » avec « Push It », c’est possible. Le morceau évolue peu mais le traitement qui lui est donné suffit à vous faire rentrer dedans avec sourire. Mais le paradoxe est là : pour une production Ant-Zen et suite à son 2ème album, Lifelines, l’inspiration d’Ina Peters est d’une simplicité qui étonne par son côté fondamentalement dancefloor. Peu de saturation, beaucoup de nostalgie : peu d’industrielle donc, beaucoup de minimale. En effet, s’enchaîne alors « The Hood » démarrant par des sons pitchés sur lesquels s’enchaîne une rythmique basique agrémentée d’une mélodie tintinnabulesque. Seule une grosse nappe de basse rend l’ensemble très légèrement, mais alors très légèrement, rugueux. Tout cela évoque les sorties des années 2000, de l’IDM certes mais surtout les productions minimales, telles celles du label Eleganz. Des beat simples et lancinants, des mélodies happy cottage : après tout, pourquoi pas Border Community… Mais alors que l’amusement dû à la surprise et au final à la sympathie musicale suscitées s’installe, se pose un problème de taille : l’enchaînement entre « Around Us » et « Summer in your Car ». Étonnamment calé, il ne permet pas à l’écoute des deux morceaux de s’imbriquer harmonieusement. Or, pour le type d’album auquel on a affaire, cela représente une gêne. « Soundcheck » représente la seule véritable rupture dans l’album. Avec sa composition plus techno (rythmique métronomique, tonalités évolutives, empilement de beats), il constitue une transition quelque peu abrupte et étrange vers une seconde partie construite autour de morceaux tous chantés. Car Frl. Linientreu avait, dès la sortie de son 1er album sur Le Petit Machiniste en 2008, inséré sa voix mais de manière moins prégnante. La nouveauté sur Transformation réside dans son utilisation plus systématique et un usage exclusif de l’allemand complété par un traitement Lo-fi. De Trash Palace à Vangelis. Lointainement, Kraftwerk. L’album se clôt sur le sample du monologue final de Lester Burnham, extrait d’American Beauty posé sur une musique trip-hop directement héritée du Londinium d’Archive.
En conclusion, cet album est un collage de toutes les influences les plus diverses qui semblent avoir marqué l’artiste germanique. Il semble agir comme un album de souvenirs qu’elle se serait plu à construire en guise de transition vers une rupture ou continuité. En ce sens, il constitue une étrangeté dans laquelle on cherche une cohérence. Il découle de ce constat la conscience d’un tracklisting et d’enchaînements difficiles à justifier. Cependant, on ne peut qu’être attendri par cette démarche si personnelle qui a le mérite de faire de la nostalgie individuelle un support musical. L’efficacité en reste amoindrie bien que demeure un catalogue qui émeut par sa familiarité touchante.