« Je ne supporte ni ordre, ni sens, ni paix. Je ramasse les séquelles du temps. Je mets en lambeaux les règles du passé et du présent que je n’ai jamais comprises. »(Quignard)
Si l’on jette un regard attentif du côté de l’Italie, il n’est pas difficile de constater qu’elle continue de fourmiller d’artistes et de labels passionnants à l’heure actuelle. La scène expérimentale italienne se révèle en effet hautement talentueuse, et des noms tels que ceux de Nicola Ratti, Giuseppe Ielasi, Pietro Riparbelli, Alessio Ballerini ou encore Fabio Perletta ne viendront pas le contredire.
Ennio Mazzon a quant à lui été particulièrement prolifique ces dernières années, avec des albums parus sur différents labels dont le sien, Ripples Recordings. Xuan constitue ainsi une sortie conjointe de son propre label et de Nephogram, tenu par Franz Rosati qui confirme ici les qualités de ses sorties (déjà évoquées avec Gridshape ou Porya Hatami).
Chants d’oiseaux et épanchements électroniques. Miaulement, roucoulement, et combustions électriques. Ennio Mazzon jette la danse désarticulée de ses fields recordings dans un réseau de machines implacables, dévorantes, grouillantes. Il fait de l’organique et de l’électronique une seule et même matière en équilibre instable et menaçant. Il liquéfie, solidifie, et soumet sans distinction à l’artificiel et au naturel ses propres règles et vecteurs d’un espace sonore à la fois renouvelé et insoumis.
Xuan se déverse, inonde et renverse le calme établi. Il y a ce bruit du sang qui court, celui des pierres à genoux, de l’eau qui s’égoutte, du bois qui craque. Et puis des chocs, sous la blancheur d’un feu. La terre qui s’incline, quelque part entre le jour et la nuit. Dans les hélices de l’inquiétude, le monde bruisse, grésille et crépite au gré de soubresauts électroniques.
Collectées par les field recordings, les chutes du temps ramènent à ces traces qui tiennent dans l’écho d’un objet retombant sur une table, d’un bruit de vaisselle lointain, ou d’une chose que l’on froisse. Au bout d’une quinzaine de minutes de cette piste unique, l’émergence de nappes d’ambient vient enrichir plus encore la complexité orchestrée, et crée alors l’une des plus beaux passages de l’album.
Ennio Mazzon interroge ainsi brillamment les liens entre la matière sonore naturelle qui nous entoure, et celle générée par les machines. Il mobilise les contraires, et remet en question les possibilités de distinction. Il laisse aussi entendre ce bruit de fond constant généré par la fascination et l’inquiétude face au monde.