« Le levant s’était mis à souffler plus fort, et il le sentit sur son visage. Il amenait les Maures sans doute, mais il apportait aussi l’odeur du désert et des femmes voilées. Il apportait la sueur et les songes des hommes qui étaient partis en quête de l’Inconnu, en quête d’or, d’aventures, et de pyramides. » (Paulo Coelho, L’Alchimiste)
Le label américain Students of Decay, géré par Alex Cobb, n’aura de cesse de nous surprendre. L’année dernière, déjà, avec notamment les splendides August Undone d’Aquarelle et Movements of Nights de Secret Pyramid. Plus récemment, I de Maxwell August Croy & Sean McCann, intriguant (et tout aussi intéressant) album où s’entremêlaient cordes occidentales et japonaises. Et il y a quelques mois avec un autre duo, celui de Duane Pitre et Cory Allen. Le premier officiait dans le milieu hardcore au sein du groupe Camera Obscura avant de se concentrer sur des compositions plus minimalistes en solo, sur des labels comme Important Records ou Root Strata. Quant au second, il est co-responsable du label Quiet Design, sur lequel la plupart de ses albums sont hébergés. The Seeker and The Healer n’est que leur première collaboration et pourtant, à son écoute, la symbiose entre leurs instruments et leurs compositions respectives semble évidente.
Deux longues improvisations de près de 20 minutes chacune sont le fruit de cette rencontre et prêtent leur nom à l’album. Deux face-tte-s aux ambiances distinctes, comme autant de chapitres d’une histoire qu’ils auraient à partager. Car c’est bien plus qu’un simple disque qui s’offre à nous.
Pitre fournit le socle de leurs expérimentations. Des drones aux couleurs changeantes, qu’il déploie avec l’archet de sa guitare et qui suggèrent des tableaux saisissants, tissés de cordes, et que viennent explorer les instruments de Allen. Un piano pour commencer, avançant à tâtons, timidement, comme pour contempler la vaste et impressionnante étendue désertique qui s’étend devant lui. Un harmonium le succède, irradiant le voyageur de ses feux. Plus inquisitrice, plus sûre d’elle, la harpe les éclipse et semble vouloir frapper et gratter sous cette armature de cordes sur lesquelles elle progresse, comme pour tenter d’en déceler le sens.
Après avoir exploré les contours de leurs instruments, la seconde improvisation, The Healer, s’avère plus sereine. Comme si les deux protagonistes étaient parvenus au terme de leurs pérégrinations et expérimentations, jusqu’à une oasis salvatrice. L’atmosphère plaintive et inquiétante qu’insufflaient les cordes de Pitre est toujours présente, mais se trouve ici tempérée par les notes de l’harmonium et du piano qui, tels des onguents, adoucissent et calment les lamentations de la guitare.
The Seeker and The Healer possède quelque chose de mystique. Dans la fascination qu’il exerce sur nous, dans sa faculté d’évoquer des ambiances qui demeurent impénétrables. Et dans cet entrelacs de cordes dont on tente vainement de percer le mystère, cet album est comme un conte qui excelle à nous émerveiller. On reparlera d’ailleurs très vite du label Students of Decay – la sortie du nouvel album de Kyle Bobby Dunn ainsi que la réédition du premier album de Secret Pyramid, The Silent March, risquent d’en ébranler plus d’un.