Brusque assaut orchestré dans les arcanes de l’obscurité. Les premières secondes du disque s’écroulent comme un déluge d’ombres menaçantes et de bourrasques d’hiver. Asphyxiantes et obsédantes. Puis, aussi soudainement qu’elles s’étaient élancées, les nappes se taisent. Ce sont des présences insidieuses. Des bribes de chant étouffé, des voix, des bêtes. Une pulsation métallique, retentissant à l’oreille de ceux qui ne cherchent l’air qu’aux abords des gouffres. Brosme en Dos-vert est ce morceau grandiose de Quartorze Pièces de Menace, une ouverture d’une vingtaine de minutes résonnant sur les contrastes et mêlant à la fois jazz, drone, et dark-ambient.
Dale Cooper Quartet, c’est en fait un trio. Celui de Gaël Loison, Yannick Martin et Christophe Mével, que l’on peut retrouver chacun sur différents projets (à l’image de Pan & Me et du très bel album Paal pour Christophe Mével). Après Paroles de Navarre et Métamanoir, le troisième album du collectif finistérien renforce un peu plus la variété de ses tonalités, pour un ensemble certes moins homogène mais particulièrement passionnant.
Dale Cooper Quartet, c’est aussi cette influence évidente : Twin Peaks. La série culte de David Lynch, avec sa bande-son d’Angelo Badalamenti, fait partie de ces œuvres douées d’un pouvoir de fascination insatiable qui a inspiré de nombreux artistes. Mais si l’influence se glisse avec finesse dans bon nombre des morceaux du groupe, elle s’arrache avec aisance et créativité du cadre de la série.
Chacune des pièces de l’album est un petit scénario au sein duquel viennent dialoguer les genres. Sous une lumière blafarde, Quartorze Pièces de Menace transfigure et fausse les pistes. Convie bon nombre d’invités à devenir des personnages : murmures féminins, guitares, voix masculines trompette, saxophone.
Sous des rythmes à la lenteur dangereuse, ce disque fait preuve d’une force de suggestion dévorante, faite de la douceur toxique et malsaine qu’on retrouve au fond des couloirs de l’inquiétude.