Directrice musicale de l’Union Chapel de Londres, Claire M Singer était jusqu’alors dotée de virginité discographique. Elle a néanmoins maintes fois traversé les frontières pour présenter ses divers travaux et installations. La glorieuse maison Touch ne sort plus aussi régulièrement des disques indispensables, mais continue d’éditer des oeuvres dont la production et les qualités d’enregistrement demeurent exceptionnelles. L’artiste y rejoint donc une galerie d’artistes impressionnante (Chris Watson, Biosphere, Oren Ambarchi, Fennesz, Hildur Guðnadóttir…) pour y poser Solas (lumière en gaélique), un recueil de travaux électro-acoustiques enregistrés entre 2002 et 2015.
La britannique utilise un violoncelle et l’orgue datant de 1877 de l’Union Chapel où elle travaille, et allie ces deux éléments à des manipulations électroniques. En terme de mixage et d’enregistrement, on peut ici parler de pure orfèvrerie. Rien ne dépasse, le grain du son résonne comme particulièrement pur, bien aidé souvent par la réverbération naturelle inhérente aux lieux clos et « sacrés » dans lesquels elle opère.
Le disque s’ouvre sur le somptueux A Different Place, pièce en crescendo d’intensité, au tempo enlevé et presque martial, où les notes d’un plaintif violoncelle ont le mérite d’être joliment déliées, évoquant une course poursuite à la recherche du temps perdu dans une forêt de cyprès galloise.
Il est à mon sens regrettable qu’on ne retrouve pas ce genre de tempis par la suite, avant tout parce que l’intervention des crins et de l’orgue dans un registre « dronesque » invite malheureusement à une injuste comparaison avec les exceptionnels et inégalables derniers albums de Stars of The Lid. Les meilleurs titres sont donc pour moi ceux où elle accepte un peu de lâcher la bride et la rondeur de ses notes (A Different Place, Eilean et Wrangham).
La valeur ajoutée du disque tient sans nul doute dans l’intégration de l’orgue, cet instrument puissant qui renverse la tripaille, diffuse des colonnes de lumières lacérant l’azur et rassurant ceux pour qui habituellement la contemplation de l’horizon brûle la rétine.
Si j’avoue m’être cordialement ennuyé lors du trop long The Molendinar malgré ses éparses fulgurances, Solas demeure un album assez impressionnant, où le temps se suspend, où la vision se stratifie puis se dilate clairement lors d’errances lumineuses parmi les fougères et les lichens, entre les glens et les lochs où résident les banshees.
Claire M Singer livre donc chez une crémerie légendaire un travail de haute volée. Si son écoute au casque n’est pas à négliger, elle sera d’un écho tout autre encore chez les chanceux équipés d’une installation de forte qualité.
Merci pour la chronique. Cela faisait un petit bout de temps que Touch ne m’avait autant impressionné (même si la réédition en numérique de l’album de Anna von Hausswolff est un vrai plaisir). Il faut noter que Touch est en continuité, avec ce travail d’une organiste, avec les compilations Touch Spire et les live associés, qui sont souvent excellents.
Pour The Molendinar , je trouve que sa longueur n’est pas une faiblesse, on touche même au transcendant. Après c’est du déjà vu ces drones d’orgues (Stars of The Lid, etc.), oui, mais le mastering vient hausser l’ensemble à un niveau qui le fait surplomber bien d’autres albums. Quel souffle !
Excellente chronique ! J’ai découvert le titre wrangham sur le podcast bleep. Votre article m’a permis d’aller plus loin.