« C’est une fenêtre dans une pièce. C’est la vie lente dans une journée. C’est une fenêtre dans une vie lente. La lumière passe, calme et claire. » (Bobin)
Après un premier album paru chez Kranky en 2006, le japonais Chihei Hatakeyama ne s’est jamais arrêté bien longtemps. A l’origine de nombreux albums qui ont trouvé place sur des labels tels que Room40, Hibernate, Own Records, ou encore Home Normal, il est notamment l’auteur du superbe The Secret Distance Of Tochka en 2009. The Bull Head Emperor, son nouvel album, paraît sur Rural Colours quelque temps après la très belle collaboration entre Sima Kim et Saito Koji, On the Sea.
The Bull Head Emperor est un espace fouillé d’immensité et de lumière lente, omniprésente. Son visage d’immobilité et sa fausse allure presque statique ne sont que des leurres. Tout n’y est qu’échanges perpétuels, glissements de terre et d’eau, bouillonnement de vie contenu dans l’élémentaire. Les nappes s’étendent et gagnent chaque recoin derrière les yeux, dévalent les pentes, et font la place à un contact avec le monde plus à vif que jamais.
Mais The Bull Head Emperor, c’est aussi ce « Roi céleste à la tête de bœuf », qui fait référence à d’une divinité issue du bouddhisme japonais. Les rites qui lui sont dédiés cherchent bien souvent à prévenir les épidémies en tentant d’apaiser sa colère. Une menace en suspens et une inquiétude que l’on retrouve dans les drones pourtant bordés d’apaisement de Chihei Hatakeyama, et en particulier sur le morceau Vendetta. Celui-ci, qui est également le titre le plus court de l’album, a la particularité de venir scinder l’album en deux, insérant une profondeur plus tourmentée entre deux longues pistes plus épurées.
Chihei Hatakeyama poursuit ainsi son travail sur les strates sonores, s’en tenant uniquement à la portée spacieuse de nappes ambient. Il trace des ondes gorgées de contemplation, et dont la porosité laisse entrer la totalité d’une sensibilité à ce qui nous entoure. Bien qu’il n’offre pas de surprise majeure au sein du genre, il s’extrait du risque de basculer dans une trop grande homogénéité en dressant une puissance mêlée de tension et de sérénité, à l’image du remarquable dernier morceau Salvation dont les oscillations poignantes et les variations inquiètes resserrent l’étreinte encore un peu plus fort. Des vagues fréquentielles qui affûtent la conscience par leurs reflux immenses et acérés.