« J’écoute résonner l’eau qui tombe dans mon rêve. Les paroles tombent comme l’eau je tombe. Je dessine dans mes yeux la forme de mes yeux, je nage dans mes eaux, je me dis mes silences. (…) Et je pense au vent qui vient à moi, perdure en moi. » (Pizarnik)
Sorti à l’origine en 2005 sur le label Im Lauf Der Zeit, [ozo viv] se voit offrir une heureuse réédition sur le label de Julien Demoulin (Silencio), Eglantine Records. Une chance, pour un album paru à un nombre bien trop faible d’exemplaires il y a de cela quelques années. Par le passé, le français Bruno Fleutelot a également été la moitié du duo Oboken (avec Philippe Saucourt), et il continue encore aujourd’hui à composer bon nombre de musiques de films ou de documentaires.
Restituant l’architecture de l’attente et du souvenir, du vide et de l’absence, [ozo viv] est une lente immersion dans des eaux à la fois mystérieuses et magnétiques. Les mers latines mentionnées au fil des titres de l’album ne sont ainsi pas de celles que l’on croiserait sur le sol terrestre. Ce ne sont même pas des mers, en réalité, puisqu’il s’agit des maria lunaires, ces immenses bassins de lave formés à la surface de la lune sous l’impact des météorites.
D’[ozo viv] s’écoule ainsi une richesse de textures drainée par le silence, à la fois aquatique et minérale. Des guitares acoustiques ou électriques, quelques drones, des field recordings, un piano ou encore une batterie recréent les contrastes et les mouvements de territoires à l’abandon.
L’album de Bruno Fleutelot se coule dans les entractes du réel. Constamment rattrapé par les fulgurances d’instants vécus ou à vivre – ce sont ces murmures, ce feu qui crépite entre les êtres, ces rires encore, ou bien ce message laissé sur un répondeur – mais porté vers l’inconnu, scrutant les angles du vide pour en dessiner de nouveaux contours sous des pinceaux de silence.
Les morceaux ne dépassent qu’en de rares occasions les quatre minutes, mais ils semblent à chaque fois s’être étirés sur une période bien plus longue, instaurant leur propre rythme sous le doigté de la lenteur. Le figement, le renouvellement. S’y succèdent alors silences et bruissements de voix, apaisement et inquiétude, ainsi que cette furieuse envie d’être à la fois présent et absent au monde.