Deuxième essai pour le projet de Richard Skelton et de sa compagne Autumn Richardson. Un album qui tente d’estomper le goût légèrement trop lisse et fade laissé par Wolf Notes en 2011.
S’il est difficile de contenir ses éloges face au travail solo de Richard Skelton, il n’en va pas tout à fait de même avec son duo *AR formé avec Autumn Richardson. Sur Wolf Notes, la voix claire de cette dernière paraissait au final bien pauvre –presque de trop par instants– face à l’éclat rugueux des cordes superposées par Richard Skelton.
Succession reprend à l’endroit même où Wolf Notes avait cessé, en réintégrant le thème du dernier morceau de Wolf Notes à son morceau d’ouverture. Il s’agit de dire l’ininterruption, de saisir à nouveau les contours d’un paysage continuellement façonné par les époques : en habitant chaque relief, chaque sursaut du sol, chaque jeu d’ombre noué par les végétaux.
Richard Skelton déverse ainsi les paysages qu’il parcourt (pour Succession, il s’agit d’une région situé au Nord-Ouest de l’Angleterre, au sein du comté de Cumbrie) dans la pression et l’élan de ses cordes frottées. Il distille l’espace derrière les mouvements de ses archets, en déployant une géographie à la fois intime et universelle : celle des vies saisies par une hypersensibilité aux lieux et aux espaces, celle des territoires où mémoire et sensations s’entrechoquent et se font écho. Une musique palpitant selon les pointillés de son environnement, toujours hantée par l’ouvrage du temps.
Guitare et autres instruments sont ici joués à l’archet. Quant à la voix d’Autumn Richardson, elle trouve sur cet album une place plus juste au milieu des résonnances de cordes, jouant des contrastes de clarté et de silence, à l’image du très réussi Wolfhou. Et même si le projet *AR reste quelque part dans les marges des œuvres de Richard Skelton, Succession vient rendre encore un peu plus passionnante la discographie de l’anglais. Le final déchirant Relics viendra rappeler l’ampleur de ce qui est en jeu ici : un chant d’abîme et de lumière, soutenu par la magnificence de cordes mettant en tension la terre, l’absence, le temps, et l’autre.