Surtout connu pour avoir été un des claviéristes de Nine Inch Nails, l’italien Alessandro Cortini a aussi entamé une discographie solo depuis quelques années. Je retiens pour ma part essentiellement Sonno et Risveglio, ses travaux publiés sur le label Hospital Productions de Dominick Fernow (Vatican Shadow, Prurient, Rainforest Spiritual Enslavement…). En comparaison, sa série Forse m’apparaît beaucoup plus démonstrative et me touche autrement moins. A l’instar de son anecdotique collaboration avec Merzbow, elle aussi parue chez Important Records plus tôt cette année. AVANTI fut annoncé comme un disque de rupture, ouvrant le champ des possibles à des thématiques plus intimes.
L’italien a retrouvé de vieux enregistrements, audios et videos, à inscrire dans son héritage familial. De quoi alimenter le concept de son nouvel album, qu’il qualifie lui même comme le parfait fossile de son enfance. Ceci pour envisager la musique comme un incomparable stimulateur de mémoire. Si son indécrottable passion pour les vieux synthés analogiques n’a rien perdu de sa ferveur (ici le EMS Synthi AKS cher à Brian Eno et à Pink Floyd), la rupture artistique qu’enfante ce disque est à imaginer ailleurs. Dans des paysages sonores bien moins sombres qu’à l’accoutumée, dans toute la tendresse que voue son auteur à ces traces du passé.
C’est étrange comme à l’âge adulte, on ressent parfois l’obligation de se plonger dans une histoire familiale qu’on n’avait jusqu’alors négligé. Par peur de mourir ? Sans doute. Plus sûrement parce qu’en dépit des mauvais souvenirs, perdre la mémoire est une hantise encore bien pire. La musique est semblable à un vieux coffre à jouets dans un grenier. On caresse sa poussière du bout du doigt, comme pour en souligner ce qu’on a pas su conserver. L’innocence de l’enfance, ses joies simples, où la mort est un jeu et où il est si facile de pardonner. Est-il possible de poser un regard apaisé sur un passé qui se décompose quand on conjugue son future au présent ? Une question qu’il n’est pas nécessaire de poser aux enfants. Parce que la vie est un chemin d’argile qu’on traverse le couteau entre les dents.
La force de ce nouvel album de Cortini ? Nous jeter ses souvenirs en pâture pour raviver les nôtres. Jusque ceux qu’on avait enfoui, et qu’on se surprend à avoir vécu dans les fragments d’une mélodie. De petits riens insignifiants ou le plus grand des héritages. L’infinie chevelure ébène d’une mère, un goûter sur une herbe pas encore flétrie, cette bagarre sur une plage enneigée contre un frère, du sang sur le crépis. Nul ne sera égal dans sa ballade en amnésie.
AVANTI souffle un parfum de romantisme dans les ruelles mélodiques et vaporeuses de la nostalgie. Il confie les bords du Canada au portier du destin. Ravive les instruments du passé pour libérer la pop du futur. Un présent à s’offrir de toute urgence.