Travailler la teinte avec un pinceau d’ondes sonores, esquisser les nuances en nappes fréquentielles. Donner à entendre la couleur.
Une couleur qui n’appartient ni au jour ni à la nuit, une lumière passagère transitant entre veille et sommeil, voilà sur quoi se penche Yann Novak pour son dernier album Blue.Hour. Après avoir principalement sorti ses disques sur son propre label, Dragon’s Eye Recordings, l’américain à la discographie conséquente a vu ses albums sortir sur des enseignes telles que Line (Relocation.Reconstruction) ou Hibernate (Presence). C’est aujourd’hui le label italien Farmacia901 qui nous offre son bel EP en guise d’ouverture pour cette nouvelle année.
Qu’est-ce, au juste, que cette « heure bleue » ? La formule est trompeuse. Déjà, ce n’est pas tout à fait une heure, c’est une période qui tient souvent dans une vingtaine de minutes, à l’image de la durée de cet album. Et puis, cette heure, ce n’est pas non plus que du « bleu », c’est aussi une déclinaison de contrastes plus profonds amenés par la lumière solaire diffusée au moment où il ne fait plus jour mais pas encore nuit. Le soleil s’est couché, mais la nuit n’est pas encore tombée. Moment suspendu, donc, dans l’étendue grandie d’un intervalle.
Yann Novak mène ses nappes de fréquences dans un ballet tournoyant au ralenti et dont les contours en ondulation diffusent les particules d’une atmosphère propice à l’émerveillement. Quelque chose qui tiendrait dans l’avancée du silence, dans le gommage des limites du paysage. Un léger grondement qui s’exécute, annonçant l’obscurité imminente. Du bruit blanc qui floute ce qui reste de frontières. A la longue, on finirait presque par confondre les couches de fréquences avec un chant murmuré par des voix féminines.
Ceux qui ont vu Les Moissons du Ciel (Days Of Heaven) de Terrence Malick – film dont le tournage s’était fait chaque jour durant « l’heure bleue » – retrouveront peut-être dans Blue.Hour des échos de la beauté mystérieuse qui émanait de chacune des images. Il y a certaines couleurs, certaines lumières, dont on ne se défait pas.