Bien que mixant et composant de la techno depuis de nombreuses années, l’israélien Yair Etziony s’est surtout fait connaître pour avoir posé un album ambient (où on croisait Greg Haines à la guitare) chez les japonais de Spekk (Taylor Deupree, Federico Durand, Celer, William Basinski + Richard Chartier, Janek Schaefer, Felicia Atkinson sont aussi passés par là) et pour avoir participé au projet psyché-improvisé Farthest South. On le retrouve aujourd’hui chez False Industries, qui avait sorti l’année dernière l’excellentissime Showing Light de son compatriote Ran Slavin. Baltia est le premier élément d’une trilogie annoncée pour cette année. Nous devrions donc en reparler. Et pas qu’un peu.
Si on accepte de pardonner à l’israélien les plus que probables influences qu’ont eu sur lui les travaux de Jeff Mills (période Axis surtout) ou de Derrick May, ainsi que son utilisation chronique de certains synthés Vangelisiens, convenons d’ores et déjà que Baltia est un album tout à fait remarquable.
Plutôt que de sombrer dans un hédonisme primaire, Etziony prend le parti d’une certaine épuration de la strate et d’une radicalité hypnotique qui aideront à qualifier sa musique comme « techno mentale ». Rythmiquement très old-school, toute son originalité tient dans l’intégration de drones arides, de field recordings claustrophobiques et d’une reverb’ labellisée « bad motherfucked ». Et c’est efficace.
Y a pas de mystères, quand certaines lignes de basses sont jouées avec une vraie gratte, une Fender Precision en l’occurrence, et bah ça les aide à sonner, et méchamment (Helix et Xenos). Si t’ajoutes à ça des beats qui pètent comme des anévrismes, un caractère gluant hérité du dub (sans la torpeur) dans les ambiances, y a moyen de prendre sa petite chouquette auditive.
Si tu fais partie comme moi, oui toi lecteur, des amateurs de sas de compression anxiogènes, de drones frondeurs, de fréquences troublées, et de bourdonnements intensifs, que le 4 Rooms de Jakob Kirkegaard est ton meilleur ami pour calmer tes crises d’hypocondrie (le disque est capté majoritairement dans les pièces désertées de Tchernobyl), tu risques de serrer la mâchoire (de plaisir) durant les trois fois dix minutes d’Agape (Love dans soundcloud), de Axierastos et de Elektris. Ou comment faire de la fournaise un charnier…
Que dire ensuite de Polis, de ses régurgitations toxiques, de ses parties rythmiques autrement plus volubiles et de ses kicks qui font bouillir le sang dans les fosses cérébrables, si ce n’est que c’est sans doute la pièce la plus puissante de l’album. Particulièrement jouissif, j’en vomirais presque avec le sourire mon gin-tonic coupé au lait fraise, sur une diggeuse à yorkshire et son legging couleur chaire, dans un « club » célèbre de l’avenue Foch.
L’israélien nous abandonnera ensuite avec un Aithos (Fire dans soundcloud) peut-être un peu plus convenu malgré ces velléités cybernétiques pas trop mal digérées, ainsi qu’un Deuteros qui ravira avant tout les nostalgiques du Yamaha CS80.
Dépourvu de tout apparat charnel (pas de sortie physique, mais t’avais compris), Baltia devrait plaire aux adeptes d’une techno qui parle avant tout à la tête. Vous êtes malgré tout invités à vous manifester auprès du label de Tel Aviv pour les convaincre de nous faire parvenir par dessus le mur des galettes qui mériteraient de squatter bien des platines. Bisous, et bonne suée.