« Remember, Resurrect. Much has changed and, yet, everything is the same. Time has a unique way telling us exactly what needs to be done. » (Willamette)
Il aura fallu plusieurs années de patience. Une durée nécessaire, détachée du flot des sorties du genre. Nous n’étions pas véritablement sans nouvelles, ceci dit. Le trio américain prenait soin de disséminer quelques mots ou images, au fil des mois, mais toujours avec une extrême parcimonie. Car ce qui rend, entre autres choses, le travail de Willamette si précieux et singulier, c’est bien son rapport à l’écoulement du temps. Une musique conçue et appréhendée dans la lenteur, convoquant à la fois le silence et la concision, l’immensurable et la persistance.
Troisième album du groupe, Diminished Composition nous parvient dans la lignée directe des magnifiques Echo Park et Always In Postscript. Leur première sortie s’était faite sur le label Infraction, où l’on retrouve par ailleurs le très bel album des deux frères Chong du trio, Drawn, tandis que la seconde, également bande originale du film All Lines Flow Out de Charles Lim Yi Yong était parue sur le label luxembourgois Own Records (déjà évoqué dans nos lignes avec Sky Margin de Pausal). Le troisième membre du groupe, Joseph Edward Yonker, œuvre lui aussi parfois en solo, sous le nom de Pasture.
Déployée à travers les trouées du silence et les ombres égarées de vieux enregistrements, la musique de Willamette tisse des correspondances ténues entre l’espace et le temps. Ravivant les fragiles murmures du passé. Avec ses lavis de cordes rapiécés dans la mémoire, ses voix de cendres et ses notes de piano résonnant dans des drapés de poussière, elle semble circuler dans les franges de l’insaisissable pour tracer l’épure d’un scénario oublié.
Difficile de ne pas mentionner une certaine filiation avec Stars Of The Lid, mais le trio parvient à condenser dans ses textures et tonalités les infimes variations de l’insondable qui se révèlent au fil des écoutes, à l’instar du splendide avant-dernier titre, Fresnal Variation (For Jeanne Moreau). Ou comment, en moins de trois minutes, circonscrire l’infini dans des modulations de nappes sillonnant les bords d’une gravité aurorale.
Ralentir, dépouiller, disait Davin Chong lors d’un entretien donné à Fluid Radio il y a quelques années. Simplifier les choses. Dans des vapeurs cinématographiques, Willamette orchestre ainsi une autre façon d’être au temps, et désamorce le mouvement pour le calquer sur la lenteur. Une manière de chuchoter aux absents et à ce qui hante, dans les méandres d’une douce respiration archaïque.