Aucun forum ou webzine se réclamant un tantinet de l’actualité techno ne saurait éluder le cas de Vril, ce mystérieux producteur virtuose et multi-facettes qui semble s’épanouir à l’ombre, dans ce vaste parc d’attractions qu’est le sérail techno. Son Torus de l’année dernière (révélé par un forum directement affilié à Giegling) avait déjà déchaîné les passions, mais aussi les spéculations vis à vis de son identité. Presque autant que sa jolie poignée de formats plus courts, réalisés chez des gens aussi sérieux que Sementica, Giegling bien sûr, mais aussi déjà Delsin (Aardvarck, Delta Funktionen, Shed, Conforce, Redshape, Claro Intelecto…), chez qui sortait ces jours-ci le très très attendu Portal. Ce double LP devrait faire grand bruit, dans la presse dite spécialisée et dans les circuits plus initiés d’artistes qui aiment se caresser. Posons donc dès maintenant et sans vergogne notre avis d’élitistes aigris. Ne nous mentons pas, il s’agit là, pour une fois, surtout d’un éloge véritablement admiratif.
J’aime ces albums qui m’attrapent le jarret sans avoir pris le soin de me demander la permission au préalable. Pas seulement parce que je pense que les introductions obscures vainement abstraites et vaguement ambient relèvent aujourd’hui d’un académisme qui devrait avoir fait son temps. Parce qu’il n’est pas toujours nécessaire de lustrer un tunnel avant d’y pénétrer, mais surtout parce que j’aime le postulat radical d’un artiste qui ne sombre pas dans le « préliminaire » pour étaler son propos principal. Pragmatisme, efficacité.
Tempo post-apocalyptique, éloge des snares carnassières et de la cymbale frelatée, palanquée de kicks deep à souhait pour t’engluer au dancefloor, Portal est au fond un véritable marathon où seuls les plus téméraires survivront. Que ceux qui souhaiteraient se soumettre à un Leviathan transhumain vidant ses morvines et distribuant des mornifles de forain s’approchent d’un peu plus près. Pour souffler sur les braises de l’apocalypse qui vient, avec le risque non négligeable d’y perdre ses sourcils.
Malgré ce tour de force alliant puissance, frénésie et finesse de production, Vril ne se situe jamais en révolutionnaire. Les moyens pour maintenir tous les aspects hypnotiques du genre demeurent inchangés (nappes interstellaires, textures dubby). Outre le concept et sa démarche radicale, Portal puise toute son originalité dans son hyperproduction, dans les impressionnants « squelettes » rythmiques de ses tracks et dans un recours assez moderne au « sound design » pour parfaire certains canevas/textures et certaines émanations plus noisy (encore plus prononcées sur le titre final). Autant d’éléments qui pourraient en laisser certains de côté, et qui convaincront les autres d’en faire déjà un des indispensables de cette année.
Portal répond parfaitement aux attentes qu’il avait fait naître chez bien des excités. Inutile de préciser qu’on retrouvera bon nombre de ses tracks dans pléthore de mixs/sélections venus des plus grands. 2015 débute sous les meilleures hospices et dans une grande déflagration. De bruits et de fureur.