« Nous sommes au-delà de la chair et du sang. Nous sommes vengeance. »
Et ils vous appellent des confins ceux qui sont capables d’accorder les antagonismes.
Scripta Soli se vit plus qu’il ne s’écoute. À l’instar d’une épreuve initiatique, cet album s’apparente à la kryptie antique. Envoyé aux marges de la Cité, le novice doit prouver son endurance à la douleur et exercer son ingéniosité dans l’invisibilité avant de pouvoir réintégrer la communauté de manière ordonnée.
Pénétrer dans cet album, c’est effectuer un périple difficile que l’on ne souhaite toutefois pas interrompre. Il se dégage une impression rituelle proche des Mystères que renforce la construction gréco-latine des titres de la playlist. Démarrer l’écoute, c’est assembler un à un des paysages cinématographiques, de Valhalla Rising à Il est difficile d’être un Dieu, en passant par Sur le globe d’argent. Cette construction symphonique extrêmement écrite est faite de cuivres retentissants auxquels s’adjoignent des nappes électroniques empreintes d’obscurité, sous-tendue par des sustains de cordes déployant une gravité constante qui s’émaillent de field recording (voix, clapotis d’eau, tintements métalliques). Prurient rencontrant Maeror Tri. Une fraternité commune avec le Spiritflesh de Nocturnal Emissions.
Revendiquant le concept d’« integrated music », Vladimír Hirsch se souhaite le réconciliateur des paradoxes inhérents à tout individu tout autant que le metteur en sons des sociétés post-industrielles à la lisière d’un monde post-apocalyptique. Il n’est pas étonnant dès lors qu’un de ses collaborateurs ait été l’auteur cyberpunk Kenji Siratori. Compositeur prolifique, le Tchèque sait marier avec une maîtrise peu commune tous les champs sonores à sa disposition afin qu’ils traduisent pleinement l’ensemble des expériences sensorielles humainement ressenties. Agrégeant musique contemporaine et dark ambient, il déploie au long de Scripta Soli une vision désolée, solitaire, pessimiste.
Cette réduction du Monde s’augmente cependant d’une démesure quasi-omnipotente. Il règne sur ces « écrits des fondements » un antagonisme profond : humilité grandiloquente et sagacité hallucinatoire. Tirant sans nul doute son inspiration d’un substrat profondément religieux, oscillant entre paganisme et chrétienté, Hirsch emmène l’auditeur dans une perception plurielle des constructions complexes de la réalité et du dogme qui les sous-tend. Profondément visuel, cet album est d’une qualité peu commune, la quête d’une chair pour l’âme.
Great album and very good review