Si les trois avatars en présence vous évoquent autant d’accroches que la vie sexuelle des mouches durant la guerre du Golfe, leurs différents membres sont tout sauf des rookies et jouissent d’un parcours musical extrêmement dense. Benoït de Villeneuve tout d’abord, fut le guitariste et claviériste de Team Ghost, groupe fondé par M83. Benjamin Morando a quant à lui fricoté avec Pilooski au sein de Discodeine. Que des projets qui m’en touchent une sans secouer l’autre, jusqu’ici.
Le trio Vacarme est lui articulé autour de deux violonistes, Christelle Lassort et Carla Pallone, et d’un violoncelliste : Gaspar Claus. La première citée est une concertiste classique plus que confirmée, et a signé les arrangements de cordes d’artistes aussi exposés que Wax Tailor, Izia Higelin, Syd Matters ou encore EZ3kiel (je n’ai pas cité les BB Brunes, allez savoir pourquoi). Pour la relier à des artistes plus connus de mes lignes, précisons qu’elle a également collaboré avec Frédéric D. Oberland, membre de Oiseaux-Tempête. Carla Pallone est la moitié du groupe ovniesque Mansfield TYA, en compagnie de la chanteuse de Sexy Sushi. Pour finir, Gaspar Claus est le fils du célèbre guitariste espagnol Pedro Soler, et a collaboré à pléthore de projets plus ou moins orientés « modern classical ».A noter que le trio vient de sortir son tout premier album, chez Les Disques du Festival Permanent.
Bref, cette sauvage séance de name dropping a surtout pour vocation principale d’entasser des noms qui à priori et pour la plupart n’ont strictement rien à faire dans mes pages. Tout ceci n’est le fruit que de recherches qui ont eu lieu bien après l’écoute du disque du jour, paru récemment sur le label Sounds Like Yeah, co-fondé en 2015 par un certain Laurent Garnier.
Avec ses airs de pas y toucher et son artwork semblant tout droit sorti des archives du GRM, Artificial Virgins déploie dès les premières écoutes un gros son dense, qui fluidifie avec aisance et désarmante modernité ses diverses fusions et influences. C’est mixé à la perfection, et on devine un background « early music » chez un de ses larrons.
Si la très actuelle tendance au tout modulaire nous a surtout habitués à des séances d’onanisme légèrement autistiques, Villeneuve et Morando sont tout sauf des manchots avec leurs bécanes. Mention spéciale au son si particulier qui jaillit du Buchla Music Easel.
Indépendamment des incontestables compétences téchniques des différents intervenants, l’atout majeur du disque se situe dans sa force d’évocation narrative. Quatre titres dont un dyptique, construits comme des fresques épiques et oniriques, plantant aussi bien dans l’oreille que dans l’oeil leurs nobles chimères. Comme des spirales synthétiques jaillissant par dessus les canopées des hautes futaies. Une odyssée traversant des époques et des lieus insondés, où le désordre de nos clapiers de fer et de verre apprendra au moins pour vingt minutes un peu à se taire. Sans trop savoir pourquoi ni comment, ce disque me renvoie à des émotions rencontrées quand j’étais enfant. Où les histoires fantastiques qu’on se raconte étaient sans fin même face au néant, et où la conlusion du rêve ne comportait pas d’effondrement.
Artificial Virgins est un disque en tous points hautement recommandable. Mais pour nous soustraire dignement aux outrages d’une époque et de ses vents, il autait mérité de durer deux fois plus longtemps. Un grand disque, qui sur le paper ne m’inspirait pas tant.