Andre Gough est irlandais, Andre Gough est inconnu. Il signe pourtant son premier album en tant que Verge sur le berlinois Avian, propriété de Shifted, connu jusqu’alors pour héberger des projets techno qualitatifs. Il est amusant de constater actuellement à quel point sont nombreux les labels techno qui succombent aux sirènes de projets plus « beatless » et expérimentaux. Le bête et méchant clubbing lasse, jusque dans les temples du kick, et par ici on est très loin de s’en plaindre.
A l’écoute d’Emblematic Ruin, on doute même que l’irlandais soit issu de cette culture là. Il n’apparaît certes pas comme un manchot pour ce qui est de l’utilisation des classiques outils de synthèses, mais son goût pour les guitares en tension l’a visiblement poussé à puiser dans des éléments clairement cold wave, post-punk (étiquette décidément dans l’air du temps), voire black metal.
En trois actes distincts et un peu moins de 40 minutes, Verge étire la procession du vieux monde au coeur de son propre éboulis. Pour célébrer le règne de l’électricté, et contempler les sentiers de la damnation dans un sourire carnassier. Pratiquement dépourvue d’éléments percussifs, l’ambiance du disque est focalisée sur un souffle et des dynamiques anxiogènes, où le moindre corps étranger pénétrant cette funeste atmosphère est aussitôt brinquebalé par les vents. Pour ensuite être réduit à poussière lors de deux climax parfaitement saturés (Transient et Deluge).
Le dernier tiers de l’album évolue ensuite vers ce que le spectacle du vide a de plus apaisant, comme si le cloaque se révélait rassasié par tant de fréquences et d’afflux de sang.
Si on cherche à critiquer pour le simple plaisir de le faire, on pourra convenir que les deux derniers titres auraient mérité d’être inversés dans le tracklist. Du moins, dans le film narratif que je m’en étais fait personnellement.
Allliant le subtil à la radicalité, Emblematic Ruin est pour un premier album une surprenante et totale réussite. Un disque où les cordes crient, se débattent et donnent des coups. Un album de chevet pour tempérer ses tempêtes, dans la mélancolie comme le courroux.