Bon soyons tout à fait francs, le LP n’est pas de prime fraicheur, certes. Les vacances, l’absorption excessive de nicotine et d’alcools blancs ayant consciencieusement rempli leur part du deal, le temps de se débarrasser de cette longue gueule de bois qu’est la période estivale et nous voilà fin Septembre avec un sacré paquet de plaques déjà bien poncées à chroniquer. Malgré tout, une fois ces paramètres considérés, il y a approximativement 3 excellentes raisons pour justifier cette chronique tardive du premier LP de SHXCXCHCXSH – il y a d’ailleurs certainement bien plus que 3 raisons pour cela en réalité mais ne nous laissons pas aller à la complaisante exhaustivité s’il vous plait.
Tout d’abord, parce qu’il s’agit du premier LP sorti sur Avian, label londonien fondé par Shifted et Ventress, que nous suivons avec grand intérêt depuis les premières sorties – et quelle première sortie que le AVN #001 de Shifted – tant son identité sonore et visuelle tranche avec ce qui se fait actuellement et / ou a pu se faire dans la Techno en général et dans la UK Techno en particulier.
Deuxièmement, parce que depuis son rrrrgrrgrrr – EP sur Subsist, le duo suédois dont on ne prononce pas le nom a pris la frustrante habitude de ne pas commettre d’impair. Même, et surtout, lorsqu’ils poussent leurs explorations sonores jusqu’à l’occultisme, l’écoute de leurs logorrhées nocturnes se veut toujours aussi proche de l’expérience catatonique. Privés de toute motricité ou même élocution, nous restons le plus souvent subjugués, bouffis d’inconfort et d’admiration face à l’opacité totale de leur musique, face à son extrême nudité. Une nudité parfaite, exsangue, émaciée, stérile.
Enfin parce que ce LP est un pur OVNI, un halo d’expérimentation brute, fruit du dur labeur de deux jeunes suédois dont l’identité est jalousement gardée secrète et dont les prestations scéniques – dont celle à laquelle j’ai eu la chance d’assister – révèlent une radicalité fascinante. Leur live d’acier et de chaux est joué de bout en bout sans la moindre once de sympathie, même sous le regard tour à tour incrédule ou choqué du public, aucun répit n’est accordé, aucune indulgence, non aucune. Tout comme sur ce LP, les cieux gonflés de nuées ardentes grondent. Les ténèbres s’invitent à la prestation. L’œil d’Odin caresse les membres frêles d’une foule en proie au délire, l’entraine vers une frénésie insidieuse mais certaine – cf. LDWGWTT –. Les corps se heurtent, les os cèdent lorsque le raptus tonne – cf. WHTLGHT.
Les sermons délivrés par nos deux adorateurs du Vagabond borgne porteraient à ébullition n’importe quel bénitier, feraient se fissurer nos icônes déchues et nos édifices gangrenés de lierre. Qu’il s’agisse de faire s’élever des mélopées célestes quoique mortuaires – cf. SLVRBBL – ou d’opposer la vélocité des sabots des Valkyries aux battements d’ailes apeurés de colombes incandescentes – cf. RSRRCTN –, rien n’atténue le dogmatisme acerbe des deux goðar, ni leur superbe. Le génie de leur Techno belliqueuse ne s’offre qu’aux corps vaillamment dépecés, qu’aux tympans tombés au combat. En effet, l’appréhension de ce LP dans son ensemble nécessitera sans doute un travail d’écoute répétée et acharnée. Il ne faut pourtant rien laisser passer, aucune variation si infime soit-elle. La lente procession vers la compréhension de l’absolue nudité n’est pas marche aisée. Notre seule chair en guise de bouclier contre les coups assenés, contre l’anathème dont nous menacent les doigts accusateurs des deux prophètes. Tout comme durant l’écoute de la pièce maitresse et conclusion de ce LP – LLDTMPS -, tentante est la fuite. Mais ayez foi en l’errance, serrez les rangs car l’opiniâtreté est ici divinement (bien) récompensée.
V