« une envolée de cendres, soudain, se change en nébuleuse lentement, par les filtres de l’air et l’humidité de la nuit… » (J. Dupin)
Dérivant sans cesse dans les béances de la nuit et les boucles du sommeil, Movements Of Night vient succéder à The Silent March, deux ans plus tard. Première sortie vinyle pour Secret Pyramid, et première apparition sur le label américain Students Of Decay où l’on retrouve notamment Bryter Layter (et son très beau Two Lenses), Aquarelle, Marielle V. Jakobsons ou encore Jefre Cantu-Ledesma. L’album d’Amir Abbey, l’homme derrière Secret Pyramid, est par ailleurs sorti conjointement à Ask The Dust de John Davis, tout aussi recommandable.
Guitares traitées, nappes distendues sous leur propre poids, retranchements de bruit blanc. Les balises sont posées, les influences tangibles et le terrain connu. Pour autant, Amir Abbey parvient à faire de cet album une zone indistincte n’offrant que bien peu d’échappatoires. Ses couches sonores tournoient dans l’illisible nocturne, cherchent, roulent, dérivent. Elles portent avec elles des souffles narcotiques qui viennent se condenser juste derrière les yeux. C’est profondément immersif, pénétrant, et hanté par un froid irradiant.
Coulées de ciel éparpillé, magma d’air et de sommeil, corps pris dans les eaux de forces qui s’étreignent avec lenteur. L’oubli se tient à l’entrée des gouffres de l’inconscience, traçant des cercles concentriques avec les ombres. La nuit ruisselle dans des abîmes magnifiés par la lumière fragmentée des songes, charrie avec elle le pouls régulier du vivant que l’on peut entendre sur le morceau d’ouverture A Descent. Glissant dans les soieries diffuses du sonore, les notes lointaines d’une guitare ou d’un piano au bord de l’effacement se hissent à la hauteur du vide et de l’absence.
En cherchant à suivre les contours de l’invisible, Amir Abbey laisse sa musique aller, sinuer et ondoyer au pied de l’immobile. Il induit cet espace de flottement nécessaire dans les replis du réel.