Cela faisait longtemps que nous voulions vous en parler, ça tombe bien, le mois de Mai réussit particulièrement bien à Semantica Records. Le label madrilène aux 18 poumons affirme une fois de plus son endurance en sortant non pas une mais trois releases dans un intervalle de deux semaines. Question qualité, une fois de plus le label ne déçoit pas avec un Various Artists de talent scout averti – Index. Part One. EXHIBITION DESIGN 1.5 – sur lequel nous retrouvons des artistes en devenir comme NTOGN, boss du très pertinent et prometteur label Hypnus -, Von Grall, jeune producteur parisien nouvellement signé sur Semantica Records, ou encore Cliche Morph, illustre inconnu qui, l’espace d’une track, fait disparaître l’attraction terrestre grâce à une excursion Ambient Techno d’une rare justesse.
Nous aurions pu nous satisfaire de cela. C’était sans compter sur le fait que le label sortirait quelques jours plus tard un nouvel EP du prodige du hardware, le suédois Värg, accompagné d’un second EP concocté par une autre entité suédoise, S100. Autant dire que contrairement aux préjugés, on ne chôme pas en Espagne en ce moment.
D’ailleurs, aussi loin que l’on puisse remonter dans son catalogue, le label fondé par Svreca n’a jamais vraiment chômé. Tout comme il n’a jamais fléchi sur le plan qualitatif d’ailleurs. Son succès, le label le doit à l’indéniable flair de son patron et sans doute aussi à son network d’assassins célestes et fossoyeurs de Rolland. Enrique Mena de son nom a su bâtir, avec Semantica, un catalogue-forteresse, sorte d’annuaire des meilleurs producteurs Techno actuels : Surgeon, Oscar Mulero, Silent Servant, Vladislav Delay, Inigo Kennedy, NX1, Skirt, Abdulla Rashim, Developer et la liste est encore longue. En se positionnant sur une rhétorique Techno volontairement raffinée, voire avant-gardiste – quelque part entre Deep Techno, IDM et Experimental – le label a su cultiver un lexique d’une finesse enviable et asseoir une certaine lecture de la musique électronique. Lecture qui semble avoir fait des émules à l’heure où l’expérimentation devient la norme et semble chatouiller les canettes crâniennes de la plupart des producteurs Techno, quitte à faire des blessés.
Mais revenons-en à ce qui nous intéresse, à savoir le supposé quatuor suédois S100. Derrière ce nom oeuvrent des producteurs qui contribuent à ce que l’on pourrait appeler l’âge d’or de la Techno Suédoise. Abdulla Rashim, Korridor, Värg et tout le crew Northern Electronics, Evigt Mörker, Earthen Sea, Lodbrok, Pär Grindvik, Shxcxchcxsh, S100 et j’en passe et des meilleurs, tout ces producteurs ont en commun d’être volontiers taciturnes mais doués d’un talent certain mais plus important encore d’une vision. D’ailleurs, comme chacun le sait, le talent, c’est en premier lieu une vision. Auteurs de 5 releases, la modeste discographie de S100 compte néanmoins de belles réussites. On pense notamment à leur EP éponyme sur Stockholm LTD – et plus précisément à ce chef d’œuvre insondable, Repel, soliloque tellurique, récits des origines et ellipses stellaires tracées à la pointe de l’arpeggiator – ou encore à leurs coopérations avec les inépuisables hollandais Dimi Angélis et Jeroen Search sur A&S.
Si leurs premières productions penchaient ostensiblement vers une Dub Techno enneigée, ce Genesis – EP annonce un retour à une forme d’expression plus élémentaire, à une Techno délestée de bon nombres d’artifices et effets stylistiques finalement assez dispensables. Le mérite de Genesis réside dans sa capacité à frapper juste plus qu’à frapper fort – oui, c’est effectivement le propre de la Techno suédoise mais cessez de m’interrompre, c’est insupportable –. Revoke, passage en soufflerie en bonne et due forme, ouvre l’EP, sans circonvolution aucune. Néanmoins si vous tendez l’oreille assez près – oui, là tout près du spinner –, vous remarquerez derrière la pulsation tutrice du kick que l’inertie du morceau réside dans son souffle, bourrasque véloce entrecoupée de soubresauts. Le 4×4 n’est ici que le support papier d’une joute verbale saisissante entre une bassline carnassière et un synth à la pudeur stratégique – ce dernier ne se dévoilera pleinement qu’à partir de 2 minutes pour mieux sonner l’arrivée du peak time. Pygmalion est peut être la meilleure surprise du EP. Le quatuor, pourtant peu habitué à ce genre de productions, livre ici un cross over illuminé quelque part entre Ambient Techno sylvestre et vertiges hallucinés. Cotonneux et fluorescents à souhait, vagabonds précieux, nous nous laissons inconsciemment guider par les rires et fluctuations de notre environnement proche, aussi suaves qu’inquiétantes. Inutile de vous débattre, vous y êtes déjà. Cette track n’est pas sans rappeler les productions d’un autre de leurs compatriotes nordiques, le mystique et talentueux Acronym, producteur que nous suivons avec grand intérêt depuis son Dimensional Exploration 001 de 2012, lui aussi expert dans la production d’ambiances sylvestres et ésotériques.
La track éponyme, quant à elle, ne laisse que peu de place au hasard. La première mesure à peine finie, nous sommes ramenés à notre définition première – la condition humaine -, celle de sacs de frappe dociles que le quotidien chérit à grand renfort d’uppercuts au menton. L’efficacité est de mise ici mais notre fine équipe prend un soin particulier à envelopper le tout d’une nappe acide grésillante, esquissant ainsi une sinusoïde du plus bel effet. Nous passerons rapidement sur le remix d’Eduardo de la Calle, qui sans tâcher ni gâcher quoi que ce soit, n’apporte strictement rien qualitativement parlant. Après s’être tu et mu dans l’obscurité pendant un an et demi, S100 revient avec un EP Techno léché. Un jeu d’équilibriste sans filet entre efficacité et maitrise de l’enluminure qui devrait permettre à ce Genesis EP de trouver sa place dans votre Expedit branlant sans trop de difficulté.