A la base plus connu pour son appartenance au duo dubstep costaud Vex’d en compagnie de Jamie Teasdale, Roly Porter a frappé un coup énorme en 2011, juste après le déjà excellent Demiurge d’Emptyset, avec un absolument génial Aftertime que personne n’attendait. Après sept ans de silence, Roly donnait à son label Subtext des allures de phénix et une proportion sans commune mesure. Même son live capté à Alderburgh avec Cynthia Millar, ou encore l’indispensable Rites de Paul Jebanasam, ne pouvait nous soustraire à l’attente d’une suite (d’un suivant en tous cas) au colosse de fer aux dents de sable qu’était Aftertime. Avec encore une campagne de promotion/communication proche du niveau de la mer, malgré le soutien de certains gros mailorders, la sortie de Life Cycle of a Massive Star est « annoncée » pour aujourd’hui, presque dans l’indifférence générale.
Life Cycle of a Massive Star. Le titre est un rien ambitieux, pour ne pas dire même un peu pompeux. Qu’importe, celui que beaucoup comparent déjà à Ben Frost ou à Tim Hecker ne fait pas mystère de la thématique et du concept ici posés. J’avais moi-même été un peu heurté par sa froideur et sa distance lors d’un laptop live à Paris l’année dernière. Il faut dire que son appétit pour les fractures, les sauvages distorsions soignées, ou les boursoufflures noisy agrémentées de violoncelles traités ou non, ne poussent pas forcément à s’approcher trop près de ses abysses ambivalents, beaux, magnétiques et diablement oppressants. Tout ce qui faisait de Tleilax, Al Dhanab, Rossak, Caladan ou Giedi Prime des titres fabuleux est ici espéré, attendu avec ferveur et excitation.
Sans dire que ça commence mal, le martèlement intempestif de notes, issues de claviers qu’on rencontre trop souvent chez l’aujourd’hui surbuzzé Oneohtrix Point Never a de quoi agacer (ou réjouir, en fonction de l’aversion/sympathie qu’on voue à Daniel Lopatin) pendant les dix minutes d’un Cloud pourtant extrêmement bien branlé dans sa construction, dans l’apparition progressive des frappes et dans son épilogue ambient transpercé de stridence.
Rapidement et pleinement rassuré par un Gravity où l’espace sonore se voit grignoté puis envahi, où les bruits de silence apportent nuances et souffles à un violoncelle qui n’en attendait pas moins, l’album se voit rattrapé par la dimension froide et violente dans les orchestrations qu’on adule particulièrement chez Roly Porter.
Emancipée des références à Blade Runner ou à 2001, la suite de Life Cycle of a Massive Star n’en est pas moins sujette à certaines postures « Wagnero-LudwigVan-gelisiennes. On pourrait trouver ça un brin prétentieux, sauf que Roly Porter n’a sûrement pas attendu cet album pour l’être, et parce qu’il a les talents nécessaires pour que cette tare ne soit finalement qu’un pointillé. Birth et Sequence, même si j’ai une très grosse préférence pour le premier cité, sont de ces titres réalisés au laptop qui prennent une dimension presque symphonique assez impressionnante. Avec certes, aussi une importante dose de grandiloquence qui en rebutera plus d’un.
Le bien nommé Giant laisse enfin apparaître les blasts sauvages, les discrets mais malins mécanismes industriels qu’on guettait depuis le début. Encore une fois il y a tout ce soin apporté à la narration dans le titre, à ce souci de progression juste bien amené. Tout explose au bon moment, pour que l’astre flamboyant puisse continuer sa chute vers les profondeurs infinies. Pas de trains d’aterissage pour que la chute soit amortie, l’issue du cycle était dès le départ bien définie.
Forcément trop court, Life Cycle of a Massive Star ne renvoie pas (encore) à la même mandale qu’Aftertime en son temps car sans doute plus attendu et plus conceptuel. Il n’en demeure pas moins un très très bon album. Gravity, Birth et Giant justifient à eux seuls d’acquérir l’oeuvre dans son ensemble. Roly Porter est de retour, ses aventures sonores n’en sont encore qu’à leurs débuts. Tous les espoirs et autres réjouissances sont donc plus que jamais permis.