Qu’on se le dise de suite, je n’en ai plus grand chose à foutre de la Techno. Le kick, le souffle, l’hypnose collective, la dissolution de l’ego sous les coups de pompe frénétiques de génies ou usurpateurs, la subversion, l’intimité des foules ondulantes, forêts de conifères aux souterrains de Paris, le rush, les éclats de rire, de joie au coin des pissotières fleuries de glycines, la Nuit, le Feu… Il ne m’en reste rien. Pas une volute. Pas une braise à tisonner. Rien. Pas même le sel… La faute sans doute à un formalisme rébarbatif et peut être aussi à la démocratisation du genre. La Techno, Pop music des 18 – 25 ans, est devenue un accessoire mode de masse, le Weather une kermesse sponsorisée Cristaline. Les autres genres ne sont pas en reste non plus : la House, lo fi en tête, une incessante partouze populiste, l’Experimental une excuse à l’illettrisme et l’IDM un ossuaire où s’échouent et échouent d’incurables nostalgiques. Un truc à choper la nausée, pour sûr.
Ceci étant dit, tout n’est pas si noir. On a beau régulièrement frôler le pugilat en soirée, il n’en reste pas moins que cet engouement de masse semble avoir ravivé la passion pour le son, pour la prod et subséquemment entrainé la sortie de l’anonymat de mille producteurs et labels bouillants aux quatre coins du globe. L’occasion aussi de constater que le vent souffle rarement droit et que la prochaine raclée vient rarement d’où on l’attend. Several Minor Promises, label grec dont il est question aujourd’hui, se situe pile poil dans la veine de ces initiatives micro-entrepreneuriales.
Fondé en 2016 sur l’île de Corfou – si si, je te jure -, le label signe ce mois-ci la septième sortie de Restive Plaggona dont j’ai décidé de vous parler premièrement parce que depuis Always Offended Never Ashamed, aucune release Indus Tech n’a provoqué ne serait-ce qu’un semblant de turgescence chez moi, pas même le dernier Broadrick sur Electric Deluxe. Et puis aussi parce que quand un label vieux d’à peine quelques mois distribue de pareilles mandales, il s’agit de ne pas être trop con et d’admettre qu’on a peut être manqué quelque chose et que la Techno n’est peut être pas tout à fait morte – ça, sans parler de la sortie du nouvel album d’Orphx, mais ça, on aura tout le temps d’en reparler ultérieurement. Bref, il était de temps de mettre fin au silence, même s’il n’est pas un oubli.
Trêve d’intro, Non Serviam est la dernière sortie de Restive Plaggona, producteur grec répondant au nom de Dimitris Doukas. Certains auront peut être déjà trouvé moyen de gratter un webrip ou d’acheter la foutue cassette de sa précédente sortie, Rojava’s Model, signée sur l’impeccable Collapsing Market. D’autres auront parcouru ses essais Dark Ambient, Expé, Noise et parfois Techno sur DVNTT ou Labrynth. Ceux-là savent de quoi je parle. Doukas aligne les sorties, 7 au total depuis janvier 2016, le genre de gesticulations dont on aurait facilement pu se lasser si l’ensemble n’avait pas été aussi criant de talent. Et côté talent, sa dernière sortie n’est pas en reste.
Dans la continuité de Ritual Madness, Non Serviam déroule 8 tracks nées de la douleur, un peu plus de 40 minutes d’une Techno industrielle torrentielle, brutale et fissurée – Cynic Zeno et l’immense Escape From Exile. Derrière la ferrure, souvent imposante, ce sont ces fissures, craquelures et brèches rythmiques laissées vacantes qui nous intéressent, celles dont Doukas fait progressivement émerger d’amples mouvements Dark Ambient – Muse Of Tragedy ou la sauvagerie Black International. L’arsenal percussif déployé par le producteur n’est jamais aussi puissant que lorsqu’il est exposé à la lueur blafarde de ses mélodies endeuillées – Five Sisters Against The Tsar. Tout au long de l’album, Doukas, plutôt que de céder à une vulgaire démonstration de force, s’attache à détailler des pièces mouvantes où le fracas des rouages en branle côtoie échardes synthétiques et nappes barbelées saisissantes.
Bien qu’il ne soit pas exempt de défauts, certaines redondances stylistiques notamment, Non Serviam reste un excellent album comme on en croise assez peu ces derniers temps. Un éclat de tonnerre, un tour de force dont l’écoute souvent éprouvante, parfois salvatrice devrait parler aux fans de Posh Isolation, Hospital Productions, Vanity Pill Tapes, Perfect Aesthetics ou plus généralement d’expérimentations industrielles.
Le premier paragraphe ressemble à du Céline haha belle chronique
Bel article pour un grand artiste
Pas de chro, vu que c’est de la bouse cet album.
Excellent album, entre le Saaad et celui-là, l’automne est bon. A quand la chronique de Pitch Blak Mirror?