Les avis autour de la musique d’Ocoeur sont depuis toujours particulièrement tranchés. Le bordelais se distingue pourtant de l’immense forêt d’indés français officiant dans « le même genre de son ». Parce qu’il est très souvent sollicité pour jouer en live, d’abord. Aussi parce qu’il est très « professionnel » dans sa manière de ne rien laisser au hasard en matière de production (le gars fait quasiment tout tout seul, et le fait très bien). Et surtout parce qu’il assume ouvertement une sensibilité mélodique particulièrement exacerbée. Ce dernier état de fait fait provoque d’ailleurs parfois un reproche entendable chez les auditeurs plus radicaux, à savoir l’étalage d’un ésotérisme un peu vain et d’une certaine gratuité émotionnelle. Toujours est-il qu’à leurs niveaux, ses deux précédents disques, Light As A Feather (ici) et A Parallel Life (ici), sont des succès rarement observés dans nos contrées nationales. Néanmoins, on peut dire sans froisser personne qu’il existe un « système » Ocoeur. J’entends par là que malgré tous ses talents, le jeune homme a appliqué sur ces deux albums des réflexes de compositions qui fonctionnent, certes, mais qui l’installaient à mon sens dans une zone de confort. Justement, Reversed vient brouiller les lignes de ce système et démontre que le jeune français est aussi capable d’agir en rupture et de prendre des risques.
Ocoeur n’a jamais véritablement excellé dans la rythmique. A titre personnel, je n’aurais malgré tout pas pensé qu’il abandonnerait, au moins pour un temps, les glitchy beats et le tricotage de drums. Il fait aujourd’hui le choix de se focaliser sur la mélodie et les ambiances, s’approchant de ce courant très en vogue mais qui a du mal à prendre racine : celui qui souhaite fusionner MAO et musique classique. A ce jeu, seuls les allemands Bersarin Quartett et Ben Lukas Boysen (Hecq) sont parvenus à proposer quelque chose de réellement pertinent et déclinable. Je ne les cite pas pour rien. Le disque du jour est à mon avis inspiré par ces deux compositeurs.
Comme pour le premier cité, on pourra regretter que les pianos et les crins soient échantillonnés. Si le piano parvient néanmoins à sonner « naturel », les violons sont plus « plastiques ». Si une configuration laptop, pianiste + violoniste est difficilement déplaçable pour le live, un travail en studio avec de véritables musiciens spécialisés eut été pertinent pour l’album et n’aurait rien enlevé aux talents de composition du français. Ceci vient peut-être du fait qu’Ocoeur tient absolument à être absolument autonome. C’est à titre personnel un regret, d’autant plus quand on sait qu’il fut accompagné par une violoniste lors de ses dernières représentations…
Il n’empêche qu’une nouvelle fois, la musique d’Ocoeur est extrêmement bien produite et mixée. J’avoue que si je suis cette fois-ci un peu moins touché par ces compositions étalant un peu trop frontalement leurs velléités émotionnelles, elles devraient faire mouche chez les férus de simplement jolis instants « Olafurichteriens ». Ce qui me flatte l’oreille est à situer dans les interstices, dans le discret mais subtil travail de synthèse, dans les légers pads ambient qui maintiennent suffisamment de vapeur et d’opacité sur la ligne de flottaison, entre les parties visibles et immergées. L’artwork, un peu cheap, prend alors un sens un peu plus concret.
Si l’ensemble n’est à aucun moment désagréable et toujours aussi propice à la béate rêverie, j’avoue avoir été un peu en manque de corps, de substances et de contrastes. Je concède donc avoir une préférence non négligeable pour des titres comme Chance, Timeless, Time Over et Reverse Yourself, qui sont peut-être un peu plus denses et créent plus facilement des ponts entre anciennes et nouvelles directions.
Reversed est un disque de transition plus courageux qu’il n’y paraît. Certains de ses éléments témoignent même d’une certaine ambition. Qualité qui mériterait d’être dûment mûrie. Si la musique d’Ocoeur change et qu’une fin de cycle est suspectée, elle n’a pourtant jamais été aussi bien installée dans le catalogue n5md. Si le français a des envies d’ailleurs, il se devra d’y allouer des moyens à la hauteur de ses ambitions. Quitte à renoncer à illustrer ses rêves d’enfant ?