Nous en sommes donc là, les bras ballants et l’estomac gonflé à râler sur le peu de sorties à se mettre sous la dent et voilà que sortie de nulle part arrive cette très (in)attendue deuxième release du label allemand Arboretum. Le même label qui nous avait gratifié d’un mémorable revers avec la sortie en Avril 2014 du EP Vasundhara de Drøp. Pour ceux d’entre vous qui ont mis la main dessus, ils se rappelleront sans peine cet EP sur lequel l’italien Giuseppe Bifulco décrivait une Techno noisy, tribale formidablement captivante. Pour sa seconde sortie, le label continue d’explorer les confins du spectre Techno. On y retrouve un nouveau venu, Mogano, fondateur du label et vraisemblablement passionné par les musiques et rites ancestraux, influences plus que manifestes sur ce nouvel EP du nom de Sycomore.
Le nom du EP est une référence à l’arbre de vie, figure symbolique récurrente dans la mythologie orientale. Et effectivement, après la première écoute, on peut dire que tout cela flaire bon le métissage, oriental notamment, et l’expérimentation sonore. On parle ici d’expérimentation patiente et méticuleuse. Une expérimentation qui s’appuie sur un savant mélange de soundscaping, de variations de textures thématiques, sur une palette d’éléments percussifs aux sonorités mates, tribales. Mais assez de teasing, plongeons-nous dans le vif du sujet si vous le voulez bien.
Dès la première track, Retama, Mogano définit les pourtours de l’univers – mystique et antique – dans lequel il nous baignera pendant les 29 prochaines minutes. Nous aterrissons directement dans les ruelles d’une acropole lointaine, cramée, fourmillante de dangers et recoins sombres. Nous tâtonnons et foulons avec lui les vestiges de la Nuit Antique, immense et maternelle, bercés par un downtempo dubbé où la complainte des cordes frottées vient apaiser le sifflement de la vipère. Cet univers si particulier, hors du cadre quadratique si cher aux artistes Techno, est également développé sur la seconde track, Anunnaki, tout aussi réussie du reste.
Vient ensuite la bonne – et grande – surprise du EP, la participation de l’un de nos producteurs favoris, Samuel Kerridge, qui se prête ici à l’exercice du remix. Comme vous vous en doutez, le résultat est pour le moins rugueux. Finies les flâneries et déambulations désœuvrées, coupé le souffle. Kerridge vient soustraire de l’équation le peu d’oxygène qui y subsistait et exacerber la pulsation tribale. Le résultat est proche du rite chamanique ; office circulaire, hanté, porté par un vocal inintelligible. Glaçant.
La track éponyme, Sycomore, vient clore l’EP sur une chevauchée effrénée, Techno hyper beatée, ensevelie par un soundscape Dub presque Drone. On y retrouve également les cordes douloureuses, leur usage sporadique comme ponctuation d’un récit épique et tumultueux. A noter qu’une bonus track du même acabit, Dukkah, est disponible sur le format digital.
En bref, Mogano signe avec Sycomore une des meilleures surprises de cette année 2015. Il vient ainsi briser l’ennui routinier que nous ont inspiré la plupart des sorties Techno dernièrement. Aussi, vous l’aurez compris, l’écoute de l’objet vous est hautement conseillée. Un EP venu d’ailleurs, à écouter seul, cloitré dans une chambre, volets fermés – en d’autres termes, l’excuse idéale pour éviter les parcs et terrasses purulentes en ces premiers jours de printemps.