Des pièces formant un puzzle étrange, découpé selon les pointillés d’instants, de lieux, et de publics différents. Des noms de pistes se prêtant aux devinettes et aux anagrammes. Les combinaisons sont multiples, acceptant les consignes du hasard et prenant pour ossature les fils décousus de l’aléatoire.
Après de nombreuses années remplies par différents projets s’aventurant aussi bien dans l’électronica que dans l’installation sonore, Mathias Delplanque voit aujourd’hui son album Chutes sortir sur le label Baskaru, qui ne s’y est pas trompé en voyant là un ouvrage empreint de maturité et d’épanouissement.
Les deux sont français : l’artiste, et le label. Le premier a auparavant œuvré sous d’autres noms tels que Lena, Bidlo ou Stensil du côté de l’électronica. Le second, le label Baskaru, fait partie de ces labels qui évitent les sorties en grand nombre, le « faute de mieux ». On y retrouve ainsi les productions variées de Maurizio Bianchi (MB), Fransisco López, Parallell 41 l’année dernière, ou encore, tout récemment, Stephan Mathieu avec Un cœur simple.
Cet album est le résultat de deux années de travail. Deux années ayant donné lieu à des séries de concerts solo, autour d’un dispositif mêlant ordinateurs, enregistrements et instruments. Ces Chutes constituent ainsi des extraits de ces concerts, sans overdub.
Mathias Delplanque forge ses textures mouvantes dans un bain de sonorités farouches et imprévisibles en proie à des mouvements d’avancée, de recul ou de contractions soudaines. Il fait affluer les rencontres, amène les contrastes sonores à se provoquer ou à s’enrober mutuellement. Grondements, crissements, entrechocs métalliques et autres claquements d’objets s’imbriquent avec les cloches, guitares ou percussions pour mieux détourner le réel de sa route familière. Manœuvrant entre répétition et éclatement, bruits et mélodies clandestines, agencement et chaos, il réalise des pièces complexes, parfois déroutantes, mais toujours intrigantes. Des morceaux tels que Ru, Fell ou Alo en sont les plus beaux exemples.
Recréant les vides, les creux, de l’incertitude et de l’instabilité, Chutes s’apprivoise comme un jeu dont on accepterait d’ignorer la mécanique. Des trainées de mystère en chutes libres.