« Pour suivre la trace du vent, jusqu’au feu glacé, à l’endroit où se tenait l’arbre, la terre inoccupée, où te tenais. »(Du Bouchet)
Avec l’immense Wilderness Of Mirrors, le nom de Lawrence English a été évoqué il n’y a pas si longtemps de cela dans nos lignes. Mais cet automne, c’est en collaboration qu’il réapparait pour un tout autre projet, entamé depuis trois ans et prenant forme sur le label de Yann Novak, Dragon’s Eyes Recordings.
Ce n’est pas la première fois que l’américiain Stephen Vitiello (un habitué des collaborations, notamment sur le label 12k) et Lawrence English unissent leurs recherches, puisque le disque Acute Inbetweens était sorti en 2011 sur le label portugais Crónica. Mais si les deux albums visent tous deux à mêler électronique, acoustique et field recording dans une recherche sur la temporalité et l’espace, ce nouvel opus s’avance plus loin encore dans l’enchevêtrement mystérieux des fragments sonores.
Captées, consignées, sculptées, imbriquées. Les sources prélevées sur l’éphémère et le passager innervent les modulations électroniques, se démultipliant et brouillant les repères au fil des pistes. Les fréquences et les textures sont fuyantes et mouvantes, prises dans une circulation indistincte, à la fois organique et électrique. Ici, les frontières cherchent à disparaître, au profit d’un égarement dans les filets arythmiques des matières.
De froissements en ruissellements, de tintements de cloches en frottements métalliques, le duo donne ainsi à entendre une constellation sonore habitée par l’environnement et les mouvements d’ombres qui s’y agitent. Pépiements d’oiseaux, insectes, sirènes inquiétantes et respirations douloureuses se disséminent dans un nouvel espace bâti au pied du vent.
Dans un ballet éclaté poursuivant l’intemporel au gré des déséquilibres et des résonnances de l’instant, Fable ouvre une brèche sur des territoires imaginaires hantés par le réel. S’immiscent ici souvenirs, traces de passages et voix humaines, traçant des ponts entre le dehors et l’intime.