Il n’est pas étonnant de voir Kassem Mosse sortir un album en catimini tant la raw-house de l’Allemand transpire l’honnêteté de l’instant fugace. Avec lui, exit les chichis, place à la spontanéité. Workshop 19 se donne à voir sans fard.
Gunnar Wendel est un producteur house talentueux, bougrement talentueux. Depuis son éclosion en 2007 via l’EP Workshop 03 (le label teuton a eu le nez fin), sa house abstraite n’a fait que s’épaissir. Il a ainsi signé de remarquables EP chez les meilleurs fournisseurs de house, de Laid à NonPlus, et avec le temps, ses productions se sont faites plus rêches et percussives pour aboutir aujourd’hui à une raw-house haut-de-gamme, n’hésitant pas à s’orienter vers le leftfield. Ajoutons à cela des lives multipliant les contre-temps pour mieux contrecarrer les danseurs, transformant ainsi le petit Kassem en figure exigeante et respectée de la scène house actuelle.
Workshop 19 a beau être le premier album de l’Allemand, on sait pertinemment où l’on met les pieds avec lui et il paraissait inconcevable de faire face à une déception. En effet, Workshop 19 est un album aussi fréquentable que les EP passés. La différence est que le son est désormais plus crade qu’auparavant, lorgnant ouvertement vers une esthétique très actuelle puisque rappelant les récentes productions L.I.E.S.. Workshop 19 a été enregistré sans aucun filtre, aboutissant à des sonorités saturées mais vivantes. L’avantage de ce type d’approche est qu’on lui pardonne ses errances. Et c’est finalement l’aspect work in progress du projet qui donne tout son charme à l’album.
Comme pour mieux affirmer sa posture de mec qui s’en branle des apparences, Kassem Mosse ne donne aucun titre à ses morceaux, laissant ainsi l’auditeur se dépatouiller avec un double vinyle de 9 pistes. De même, le parti pris old-school démontre la propension du gars à déjouer les codes en vigueur pour mieux les malaxer. C’est ainsi que Workshop 19 rappelle les grandes heures de l’electro kraftwerkienne du début des années 80. Le principe est simpliste à l’extrême : une boite à rythme, un clavier analogique et basta !
L’album alterne les purs titres de raw-house avec des parenthèses electro off-beat. Sur le papier, ça ne fait pas rêver, je le concède, mais le résultat est le plus souvent brillant tant la spontanéité l’emporte. Surtout, Kassem Mosse arrive à varier les plaisirs, passant d’une raw-house rêche, Untitled A1, à une leftfield house deep et quasi tubesque, Untitled B1, ou un raw-house ronde et désincarnée, Untitled D1. Aucune faute de goût dans ce parcours paradoxal, où le désuet (voir le kitsch) flirte avec l’exigence. Il n’y a pas à dire, Kassem Mosse est un producteur hors-pair, toujours incorruptible dans sa démarche et juste dans son rendu. Workshop 19 est une réussite totale.