« You know, the people in these towns, they’re asleep. All day, at work, at home. They’re sleepwalkers. We wake them up. »
Sorti tout droit de l’imagination foisonnante du belge Bram Bosteels, Kaboom Karavan revient pour un troisième album, déjanté et terrifiant. Après avoir publié en 2011 leur second et très réussi opus Barra Barra, le toujours aussi sombre label Miasmah, géré par Erik K. Skodvin, se charge de cette nouvelle fournée, avec l’habituel Nils Frahm au mastering. Hokus Fokus est disponible depuis fin août et fait suite au percutant Black Tie de Svarte Greiner (ici). Outre ces précédentes parutions, Kaboom Karavan compose régulièrement pour le théâtre, le cinéma, la danse contemporaine, et a notamment collaboré avec Kreng — autre habitué de chez Miasmah — pour la compagnie de théâtre belge Abattoir Fermé. Il a d’ailleurs fait sensation en juin dernier, lors du festival Les Pieds dans les Nuages, qui s’est déroulé dans une chapelle près de Rennes. Sa musique se prêtant aisément à la mise en scène, il faudra ici laisser libre cours à nos cauchemars pour y trouver le support adéquat.
L’album donne d’emblée le ton et installe un décor des plus lugubres avec Kolik. La pleine lune ne vous empêchera pas de vous perdre dans cette forêt mal famée où Kaboom Karavan vous entraîne. Les hurlements d’animaux ne vous rassurent guère, pas plus que le vent dont le souffle vous caresse la nuque. Des branches craquent. Vous ne tentez pas de vous retourner, vous savez déjà qu’ils sont nombreux à vous suivre.
Ce qui suit n’est guère plus apaisant. Omsk vous propulse directement dans une clairière où une troupe itinérante de freaks cannibales semble s’être arrêtée. Les festivités peuvent alors commencer. Au fil des morceaux, Bram Bosteels invoque un nombre impressionnant d’instruments et de sources sonores et crée un univers riche, à la fois détaillé et foutraque, tout en gardant un ensemble très cohérent. Cordes, cuivres, percussions, captations en pagaille (cris d’animaux, râles, hurlements et rires presque humains pour n’en citer que quelques uns) se mêlent pour dépeindre un monde qui captive autant qu’il horrifie.
Alors que vous reprenez un peu votre souffle, des histoires à vous dresser l’échine vous sont contées au coin du feu, sous l’œil moqueur des enfants. Le répit sera de courte durée, Kartoon Kannibal vous emporte en pleine séance de rite sacrificiel dont vous auriez pu être la victime. Déstabilisé, vous déambulez en cherchant vainement une issue, mais ce petit être étrange à la cape bleue et au sourire narquois (de la jaquette) vous emmène à l’enterrement des deux clowns du nouveau film de Alejandro Jodorowsky. Vous trouvez enfin refuge dans la roulotte de Miss Okee, qui vous invite à une session de taromancie, vous laissant entrevoir un avenir — bien évidemment — funeste.
Si l’ambiance n’est pas sans rappeler celle de la défunte et superbe série Carnivàle (d’où provient la citation plus haut), ce nouvel album de Kaboom Karavan dresse avec brio les tableaux hauts en couleur d’un monde étrange, carnavalesque et hostile. Saisissant.
NB : Miasmah profite de cette sortie pour rééditer l’impressionnant premier album de Kaboom Karavan, Short Walk With Olaf, paru chez Umor Rex en 2007 en version digitale, qui bénéficie dorénavant d’un nouveau mastering et d’un pressage en vinyle.