« I like the immateriality of a sound work and the openness it can have for both associative and direct experience and sensory perception. » (J. Winderen)
La première écoute est surtout guidée par une certaine forme de curiosité (un album principalement basé sur des ultrasons de chauve-souris, dauphins, insectes et autres animaux, cela a forcément de quoi intriguer quelque peu). La seconde, et les suivantes, ne relèvent plus que de la fascination, tant ce disque a la capacité d’immerger physiquement son auditeur dans un espace aux reliefs uniques.
Ce n’est pas le tout premier passage de Jana Winderen chez Touch. On la retrouve sur des albums tels que Heated:Live In Japan, Débris ou encore Energy Field. Après un bagage d’études scientifiques, la norvégienne s’est dirigée vers une voie plus artistique, partant à la recherche d’échantillons sonores à travers le monde, captivée à la fois par la vie aquatique et le mystère de sons inaudibles pour l’oreille humaine.
Alimenté par les ultrasons rendus perceptibles grâce à une technique de time-stretching, Out Of Range prend appui sur le phénomène d’écholocation qui permet à l’animal de cartographier son environnement proche grâce à l’écho sonore. Il invite autant à la réflexion qu’à un respect plus accru des formes de vie au devenir parfois précaire ainsi captées par l’artiste. La démarche est en partie environnementale, mais n’en constitue pas moins un fabuleux tableau sonore à la richesse démesurée, dépassant le strict cadre du field recording.
Ici, les impulsions fréquentielles animales se répondent, surgissent de toutes parts en se répercutant sur les parois d’un espace perpétuellement recréé. Elles sont autant de présences vivantes et multiples qui se déplacent au sein d’un territoire envahi physiquement par le son, l’eau et l’obscurité. Frappés par la pluie, l’orage ou les mouvements marins, les signaux déclinent leurs variations dans un tissage de résonances, tandis que certains échantillons sonores se transforment en drones animés de grondements sourds, ajoutant un relief supplémentaire à cette topographie de l’invisible.
D’une manière infiniment précise, Jana Winderen module les distances et les contrastes de l’imperceptible. Elle rapporte ainsi à l’audible ce qui séjourne dans les profondeurs de l’inaudible, et fait sortir des arcanes du silence un entrelacement de vie exceptionnel.