« Restraint over haste. Perception over presumption. Awareness over intent. »
C’est ce que l’on peut lire dans le descriptif de cet album, ainsi que la liste du peu de matériel ayant servi lors de l’enregistrement. Quelques mots qui illustrent parfaitement le sentiment que l’on ressent à l’écoute de ce disque, qui nous enveloppe sans peine dans son univers, retranché hors du temps. Initialement sorti il y a deux ans de manière confidentielle et très limitée en format cassette, ce premier opus de Hotel Neon se voit offrir une ré-édition CD et un mastering sur le génial label Home Normal de Ian Hawgood. Et l’on ne vous cache pas que ce dernier a eu le nez particulièrement fin.
Ce retrait par rapport au temps, les deux frères Andrew et Michael Tasselmyer qui forment Hotel Neon l’entretiennent pendant près d’une heure au cours de 7 longues pièces, déployant avec impassibilité de subtils dégradés de gris. Un univers achromatique, en apparence, qui ne révèlera la richesse de ses contrastes qu’au travers d’écoutes attentives. Tapis sous la dense saturation, les drones de leur guitare ondulent ainsi patiemment, s’aventurant à percer ponctuellement ce brouillard de leurs arpèges. Ils s’en détachent alors sans peine grâce au mastering de Ian Hawgood, sublimés et rayonnants.
Résonnent aussi tout au long de l’album quelques échos occasionnels, modulés au fil des pistes et se répercutant dans un jeu de diptyques. À ceux boisés qui sonnent dans la forêt de A Lament répond la rythmique hypnotique et plus insistante de Dust and Drag, où des percussions métronomiques semblent ici donner vie à la saturation, attirée telle la poussière dans le sillage de leur percée. À ceux lointains des grondements de tonnerre qui défendent les cieux de The Crushing Weight retentissent ceux qui peuplent The Eye’s Mind, et se trouvent là entraînés, une nouvelle fois, dans une dynamique différente, comme apprivoisés.
Alors que l’album progresse, les compositions des deux frères se délestent de leurs atours, prenant de l’altitude. Subsistent d’autres échos, ceux des voix, diluées, déjà présentes en filigrane mais dont les errances finissent par s’échouer sur les rivages rêvés du duo Deprivation / Confines. C’est aussi le dernière arrêt avant le titre final, qui prend qui davantage de hauteur, jusqu’à surplomber la cime nuageuse et ses éclairs assagis.
Hotel Neon invite à l’égarement. À suivre les notes de guitares qu’ils égrainent lors de leur lente ascension, nous élevant sans peine vers des hauteurs inespérées. Pour ceux qui avaient succombé aux déambulations urbaines du dernier opus de Strom Noir, ce splendide album de Hotel Neon pourrait bien être son pendant céleste.