« Sound itself is nothing but movement. » (Hildur Guðnadóttir)
Mouvements qui s’élancent, se rétractent, assiègent et pénètrent le corps. L’islandaise façonne les oscillations de sa matière sonore, ses boucles et ses tourbillons, sa grâce. Les résonances viscérales de son violoncelle sont de celles qui, inlassablement, cisaillent doucement la chair.
Avec Mount A, Without Sinking et Leyfðu Ljósinu (tous parus chez Touch), Hildur Guðnadóttir a offert des albums splendides, dont on ne remonte jamais vraiment la surface. Ses collaborations foisonnantes nous amènent à la retrouver aux côtés d’Hauschka sur le merveilleux Pan Tone, ou sur certains d’albums tels que Theory Of Machines, de Ben Frost, ou The Short Night, de BJ Nilsen, pour ne citer qu’eux.
Il y a deux ans de cela, Hildur Guðnadóttir nous avait laissé avec une pièce live se démarquant quelque peu de ses albums précédent, mais dont le poids s’est progressivement révélé capital dans sa discographie. Penchant du côté du drone, avec un final à la tension extrême, Leyfðu Ljósinu est un disque profondément intime, qui avait notamment accordé une place toute particulière au chant de la jeune femme.
Cette voix fragile qui se perdait dans les boucles pour en devenir quasiment indistincte, on la retrouve sur Saman, cette fois beaucoup plus présente. Une trajectoire qu’a voulu donner la violoncelliste à ce nouvel opus, toute entière contenue dans le titre de l’album, signifiant « ensemble » en islandais.
Silences, dialogues éthérés. L’une dans l’autre, l’une avec l’autre, les voix du violoncelle et d’Hildur Guðnadóttir prennent ainsi la mesure de l’espace, y déroulant un rythme lent fait à la fois d’attente et de calme, d’inquiétude et de retenue. Dans cette manière d’être au monde, la clarté et le dépouillement du chant se revêtent d’une part de sacré. En y regardant de plus près, on remarquera d’ailleurs que Heyr Himnasmiður n’est autre que la reprise d’un hymne liturgique islandais.
Sur Líður, où le piano est également présent, l’enchevêtrement des voix, des cordes et des silences porte des nuances de timbres et de hauteurs qui donnent tout leur sens à la recherche d’Hildur Guðnadóttir. A l’image de l’artwork, c’est ici un jeu de miroirs où les reflets s’échangent. On lui retrouve ce vacillement si caractéristique, semblable au mouvement d’une balançoire élargissant insensiblement un territoire d’ombre et de lumière pris entre le sol et le ciel.
On regrettera toutefois qu’elle n’aille pas totalement au bout de sa démarche, puisque sa voix s’absente d’un certain nombre de titres. Ajoutons à cela la présence de certains titres dispensables, qui n’en font pas l’album le plus captivant de sa discographie. L’occasion quand même, de se replonger dans un univers absolument somptueux.