Rauh (raw en anglais), le label de Hanovre récemment fondé par le duo Session Restore, signe avec Solid Square EP sa 3ème release. Privilégiant les exclusivités et les invités de qualité à la quantité, ils sont cette fois-ci accompagnés par l’éminent Henning Baer. Rappelons à toutes fins utiles que le jeune homme en question est le co-fondateur des soirées berlinoises Grounded Theory. Soirées sous l’égide desquelles se sont succédés quelques uns des plus prestigieux bidouilleurs de Techno mondiaux – Dettmann, Klock, Surgeon, Function ou encore Terence Fixmer pour ne citer qu’eux –.
Les vibrations polymérisées minutieusement transcrites via perfusion diamantaire sonnent l’ouverture des Hauts Fourneaux. Pas de futilités en vue, chaque point du paradigme techno sera adroitement exploité par les participants, nous piétinons timidement la quadrature du cercle alors qu’Henning Baer engage les hostilités.
Dès l’amorce, sèche par ailleurs, Stay In The Line, ligne d’assemblage que ni la rouille ni les effluves sulfuriques ne semblent éroder, ingurgite le métal hurlant, roule, frappe et massicote méthodiquement nos tympans avides. Tout ici illustre l’efficacité de la mécanique berlinoise dans sa plus pure incarnation : kicks telluriques, clap osseux, hi-hats véloces assumant d’habiles contre temps, synths métalliques sublimés par un classieux combo delay / sustain. Nous restons quelques instants hébétés autant qu’hypnotisés par ce ballet de cardans, vérins et forets. Symphonie fractale et résonnances opalines.
Spectrum, quant à elle, marque un net break. Laboratoire où nous retrouvons nos esprits de même qu’un tempo rasséréné. Track electronica à la basse menaçante dont le seul attrait est peut être d’évoquer la blancheur sépulcrale des blouses et le mutisme des scalpels sous vide, cela grâce à quelques snares et gimmicks 808 efficients. Bref, poursuivons.
C’est désormais au tour de Session Restore d’apposer sa griffe à la release. Tracing est une rengaine casse-rotules férocement ajustée qui sonne le glas ou plutôt le peak time du EP. Bienvenue au cœur de la soufflerie, bronches dilatées et rictus incrédules, nous encaissons le courroux d’Aquilon et ses vibrations vengeresses. Track techno fuselé, rugueux et puissant, sans compromis ni effusions surcompressées. La constance est de mise sur ce crescendo académique qui ne souffre aucune faute de goût. L’esquive auriculaire paraît illusoire alors que nous plions sous les bourrasques visqueuses et entêtantes que ventile cette trace circulaire. Le crâne calé sur le spinner, nous savourons le groove mental de la sub bass et la sobriété elliptique des synthétiseurs. Un bon tip pour réanimer un dancefloor essoufflé en somme.
Enfin, Oblique, mélopée polaire et viscérale, signe à mon sens la meilleure surprise du EP. Le vent a laissé place au blizzard et au chant des sous-marins ivres de l’Arctique. Un 4 to 4 cryogénisé par des claviers electronica 90’s, le tout flanqué de complaintes bruitistes irisées aux sonorités drone. Rythme cardiaque alangui et lèvres bleutées, nous contemplons les étendues désolées de Norska. Nous nous laissons lentement submerger par le spleen du sous-marinier, la nostalgie des plaines feutrées et des matins hâlés. Sans doute le chef d’oeuvre de cet Extended Play.
Entre formalisme feint et subversion implicite, cette 3ème release de Rauh confirme son statut de label taciturne mais qualitatif. Malgré sa relative jeunesse – notons que la première sortie sur le label date seulement de Novembre 2011 –, Rauh ne craint ni les comparaisons ni les superlatifs qu’on lui accolerait volontiers. En résumé, une excellente sortie pétrie d’obscurité à se procurer les yeux fermés ou plutôt grands ouverts.
« In the long dark ever-viewless night time not one instant shall I close my eyes » L. Ukrainka.