Derrière ses allures presque pop, le prochain objet à sortir chez Lost Tribe Sound renferme une richesse sonore à la hauteur de l’étendue de ces plaies qu’on ne saurait faire taire.
Dans la foulée du somptueux The Waiting Room de William Ryan Fritch, l’album de Graveyard Tapes, duo formé par Matthew Collings et Euan McMeeken, est à paraître également ce mois-ci. Matthew Collings, pour rappel, est également connu sous le nom de Sketches For Albinos. A sa fascinante collaboration avec Dag Rosenqvist sur Wonderland a succédé en ce début d’année un album sorti chez Fluid Audio, Splintered Instruments. Quant à Euan McMeeken, il est en outre connu pour son travail de pianiste sous le nom de Glacis, et mène son propre label mini50 records. Our Sound Is Our Wound est le premier album qui réunit ces deux artistes. Les pré-commandes sont en route et amenuisent déjà le petit nombre d’exemplaires porté au total à 90 exemplaires.
Des éditions physiques particulièrement précieuses et soignées, cela se voit de temps à autre. C’est relativement rare, mais pas totalement exceptionnel. Ce qui est exceptionnel, par contre, ce sont des éditions de ce type. Our Sounds Is Our Wound est un objet splendide et singulier qu’on ne se lasse pas de parcourir, de toucher et de regarder. Derrière tout le détail porté à ce personnage étrange de chauve-souris ornant la couverture, c’est un livre-accordéon qui se déplie à nouveau en sombres et belles illustrations. Il aurait été bien difficile de confectionner plus bel écrin pour cet album.
Euan McMeeken s’empare du piano et du chant, tandis que Matthew Collings est à la guitare, aux percussions et à l’électronique. A eux deux, ils parviennent à convaincre en alternant les phases d’une pop sombre et sensible avec celles où l’experimental et l’electro-acoustique reprennent pleinement leurs droits.
L’album s’ouvre ainsi sur Gravebell, introduction hérissée de légers drones et d’échos de clochettes en pulsation, afin de mieux nous happer avec étonnement dans la voix dépouillée et gracile d’Euan McMeeken (qui ne sera par la suite pas sans rappeler celle d’un certain Thom Yorke par moments). Une voix chantant les fissures de vivre, les vides et les absences, le silence, le pardon.
Mais, entendons-nous bien, la musique de Graveyard Tapes est loin de sombrer dans la plainte poussive ou la ballade larmoyante. Our Sound Is Our Wound est un disque riche, renfermant des morceaux intrigants où une clarinette répond parfois à une parole qui se tord (Gravebat), où les battements de chaque source sonore dialoguent et se chevauchent sous la pression d’un décompte orchestré par le temps (Our Sound Is Our Wound). On y débusque des soupçons de jazz, des crépitements, et aussi du réconfort.
Our Sound Is Our Wound est lui-même un disque-accordéon, déployant et étirant ses blessures, les disséquant, pour ensuite se recroqueviller dans la chaleur vacillante de ce qui cicatrise.