Autant, il semblait légitime en Janvier de pester sur la relative futilité des premières sorties 2015, autant maintenant, on ne saurait en dire de même. Depuis deux mois, une onde bombée de gemmes s’écoule discrètement. Quelques ajustements d’outillage et de froides matinées de patience nous ont finalement permis de draguer de généreuses prises, pelletées ventrues chargées de fragments de jaspe et autres pépites plus que bienvenues. Parmi celles-ci, nous nous sommes intéressés à la dernière sortie du label anglais HLF / PIN. Depuis 2012, oeuvre pour la gratuité de la musique puisque la plupart des sorties du label sont gratuites. Vous avez bien lu, parfaitement gratuites et cela sans que la qualité de ces dernières n’ait à souffrir quelque reproche que ce soit. Expérimentale par conviction mais officiant dans bien des genres, la gamme du label s’étale de l’Electronica glitchée au Drone lithosphérique en passant par la Techno lo-fi, toujours avec raffinement cependant.
La sortie dont il est question aujourd’hui est le fruit des expérimentations du jeune producteur londonien G.W.. On ne va pas vous la faire à l’envers, avant que nous découvrions sa sortie, il n’était pour nous qu’un illustre inconnu. Qu’à cela ne tienne, ce n’est ni le premier ni le dernier de la longue série des talentueux anonymes. Et du talent, cher(e)s ami(e)s, autant vous dire que le mec en a à revendre. Examinons donc tout cela, si vous le voulez bien.
Fouillée mais pourtant délicate, la première track, Strip/Strip, ébauche un spleen ferroviaire molletonné. Nous prenons place, discrètement pour n’importuner personne, dans un train solitaire fendant péniblement une nuit sirupeuse, arpenteur d’un tracé cadenassé, semant ici et là quelques vocaux lascifs et difformes. Nous nous tenons silencieusement pelotonnés contre les capitons pourpres du wagon savourant chaque instant de cette hypnose libidineuse. Mouvement pendulaire, cimes-filantes privées de troncs, comme suspendues, lanternes-comètes striant nos rétines au vent des idées contraires… Deep House, tu m’avais manqué.
UUU, puissante déflagration Ambient / Techno, est annoncée par les vibrations sourdes d’une bassline Drone. Les bâtiments tremblent et ondulent sous l’assaut acharné de résonnances telluriques monstrueuses. L’asphalte, devenue crevasse carnassière, s’ouvre de toutes parts engloutissant les corps. Nous restons immobiles, subjugués par la densité du soundscape, par l’esthétique complexe et maitrisée de ce tableau cataclysmique. Abstraite mais pas absconse, la track se voit offrir une ligne de hats et claps délavés qui saura, à n’en pas douter, contenter les gourmands que vous êtes. VHS cradingue, slow mo et écran de smog, imparable scénographie en somme.
N’en déplaise à certains de mes collègues, G.W. réussit en moins de 15 minutes à faire ce que beaucoup ne font pas en 60 : à savoir faire oublier à l’auditeur toute contingence temporelle ou matérielle, le garder étreint en apesanteur, captif de l’instant, pendu à la mesure. Voilà qui devrait suffire à vous convaincre de jeter un œil à ce diptyque de jaspe brulant, méchamment inspiré du reste. Rappelons enfin pour les plus sceptiques d’entre vous que l’EP est disponible gratuitement sur le bandcamp du label. Sincèrement, on peut difficilement faire plus.