J’aurais bien aimé dire que ce premier album du trio Faures contient des cadavres exquis. Ouais, comme ça, j’aime bien jouer les poseurs qui soulignent certains aspects stylistiques propres aux surréalistes. Mais non en fait, puisque les contibutions distanciées des trois protagonistes ne doivent absolument rien à l’aléatoire. Bref, le berlinois René Magraff (Pillowdiver, Two People in a Room), le canadien Le Berger et Fuzz Lee (de Singapour) ne sont pas les inventeurs de la collaboration à distance. Mais la réputation ambient et l’esthétique développée par Home Normal étant elles aussi, dûes sauf tout au hasard, il est logique qu’on en cause ici, même quinze jours avant la sortie.
Même si autrement plus prolifique et exposé que ses deux camarades (le sieur va quand même partager la même scène que Jacob Kirkegaard dans une dizaine de jours à Berlin), l’empreinte de René Magraff ne supplante jamais celle des autres. Il est d’ailleurs impossible de déterminer qui fait quoi et comment. On devinera bien sûr le recours important à certaines manipulations électroniques, au traitement de guitares, peut-être même au piano et à je ne sais quel clavier, mais l’essentiel est ailleurs.
Il est très commun de confondre contemplation et inertie, linéarité et ennui. Je suis pour ma part toujours impressionné par la capacité de certains musiciens à réaliser des tracés en mouvements indolents, des procédés de segmentation abscons, tout en racontant des histoires que seul l’imaginatif amateur d’ambient sait voir. Pour illustrer le propos, l’idée de « tableau mouvant » (visible uniquement les yeux clos et les cages à miel grandes ouvertes) a ici même maintes fois été utilisée. Elle apparaît encore mieux choisie lorsqu’il est ici aussi question de « glissements de terrains ».
J’aime écouter cet album la nuit, lorsqu’il est plus aisé de se rappeler que l’humain descend du songe. Quand l’épistolaire apporte son lot de vagues à l’âme, ses montagnes faites de vapeur et que j’aime croire que la lune sourit seulement pour moi. Où les moindres sursauts sur l’onde sonore se conjuguent à chaque mouvements du ciel, où des flashs de lumière blanche semblent pigmenter le défilé du temps, et où la notion de distance est appréhendée autrement.
Il est à mon sens inutile ici de céder à un descriptif technique ou narratif, encore moins « track by track ». L’auditeur (oui, toi lecteur) est à même de se planter les yeux vers le ciel et les oreilles dans un terreau sonore pour s’approprier ce qu’il dépeint : des croutes terrestres en mouvement sur lesquelles on s’allongera pour mieux en partager la couche.